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Qu’attendent les jeunes de l’entreprise ?

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8h15 tapantes, la rame est bondée. Un défilé de masques, de petits yeux ensommeillés et d’attachés case foulent à vive allure le bitume sale du métro. Si on prend le temps de prêter l’œil, un drôle de spectacle se déroule devant nous : adieu livres de poche contorsionnés et malmenés par leurs propriétaires, exit le journal quotidien dont le charme discret noircit les phalanges et agace les voisins pour son allure d’albatros, la place est aux écrans. Tels des petits soldats, chacun s’affaire, comme hypnotisé devant son smartphone. Séries, échanges langoureux de bons matins, « check » matinal des réseaux sociaux et autres joyeuseté dématérialisées, nous sommes bel et bien au XXI ème siècle et son sacro-saint digital. Boites à lettres, appareil photo, jeux de sociétés, cartes et plans, 33 tours, réunions de famille virtuelles et…bureau à part entière, qui aurait pu imaginer un jour qu’un simple téléphone remplacerait toute une panoplie d’objets ? 

Omniprésentes dans nos vies, les nouvelles technologies marquent l’avènement d’un tournant radical vers une économie façonnée par les données, un phénomène bouleversant sans commune mesure la société mais aussi notre rapport au travail. Génération Y ou Z, outre ces termes barbares, qu’attendent les jeunes de l’entreprise ?

Générations X, Y, Z : kesako ?

Alors que certains jonglent avec une agilité et une rapidité déconcertante sur leurs écrans, d’autres peinent à faire « un » avec leur machine. C’est avec un petit sourire non dissimulé que jeunes adultes et ados observent l’index hésitant de leurs ainés courir sur le clavier. Et ce n’est pas un mythe : selon une étude menée en 2019 sur 37.000 volontaires, 88% des millénials utiliseraient en majorité leurs deux pouces pour écrire, une méthode de saisie bien plus véloce qui atteint en moyenne 37 mots par minute, contre 26 chez les quinquas. En bref : plus on avance en âge, moins on tape vite, et moins on est l’aise avec à son smartphone. Si cette anecdote est amusante et amène à réfléchir sur l’évolution de l’espèce humaine, tentons de nous pencher sur cette apparente fracture générationnelle « at work ».

Théorisé dans les années 60 par Douglas McGregor, un professeur en management à l’université de Massachuts, le concept de génération X et Y, et aujourd’hui Z, fait couler beaucoup d’encre. Élevée dans l’idée d’un emploi stable et pérenne au sein d’une même entité, la génération X est aujourd’hui en grande majorité aux manettes des entreprises. Caractérisée par un sens de la fidélité, du devoir et de l’effort, coutumière d’un management dit « vertical », cette dernière a parfois des réticences à embrasser le changement dans un environnement changeant. Face aux bouleversements sociétaux, aux menaces et opportunités qui se présentent, la génération X et Y a par la force des choses adopté des approches différentes de la vie. Indolente, capricieuse, rebelle et effrayée par l’engagement, les heureux élus (génération Y) nés entre 1981 et 1996, souffrent de nombreux stéréotypes qu’il est bon de balayer. Pour eux, travail doit avant tout rimer avec plaisir et épanouissement. Allergiques à la routine, friands d’apprendre et voulant parfois aller trop vite, ils aspirent à accumuler les expériences et gagner en responsabilités.

Née à partir de 1997, un « smartphone » entre les mains, la génération Z, elle, fait son entrée aujourd’hui sur le marché du travail. Hyper connectée et besoin d’être stimulée, cette dernière compte bien sortir des sentiers battus de la rêverie, vers davantage de pragmatisme pour « changer le monde ». Écologie, inclusivité, universalisme, leur monde n’a pas de frontières au propre comme au figuré. En bref, une génération aussi exigeante qu’ambitieuse qui a besoin de donner du sens aux choses.

Enfin, il semblerait également que les vingtenaires et trentenaires fassent preuve d’une concentration plus aiguisée que leurs ainés : très vite dans le bain, ils ne se répandent pas en banalités et gagnent en efficacité en évinçant pour la plupart longs déjeuner d’affaires arrosés et « conversations d’usage ». Moins de temps perdu, plus de temps à dédier à sa vie privée ! Bien qu’il soit maladroit de tomber dans les généralités, il apparait criant que chaque génération vit avec son temps et son époque.

Une entreprise qui leur ressemble

Avec la toute-puissance du digital, la célébration du travail collaboratif et une envie plus marquée de s’accomplir personnellement, les jeunes actifs bousculent les organisations en place. Plus que de simples exécutants, les salariés sont aujourd’hui perçus comme des consommateurs souhaitant vivre une expérience particulière, attrayante et conviviale une fois arrivé au bureau. Un constat encore plus vrai face à l’émergence de cette nouvelle génération plus exigeante que ses ainés, et qui s’approprie les codes de façon différente.

Alors qu’une écrasante majorité plébiscite les vertus du télétravail, expérience couronnée de succès durant la crise sanitaire, la flexibilité décomplexée est aujourd’hui le mot d’ordre… non sans faire grincer des dents les entreprises les plus conservatrices. Un sentiment de liberté retrouvé, une meilleure organisation de sa vie professionnelle et personnelle, et surtout un climat de confiance qui ont renforcé l’idée qu’un retour en arrière n’est guère probable mais surtout souhaitable. Davantage désireuse de donner du « sens » au travail et de s’y épanouir, elle porte et haut l’étendard d’un nouveau paradigme : celui du travail désacralisé qui regagne ses lettres de noblesse, pour le meilleur. Au regard de cette philosophie, il y a fort à parier que les entreprises qui sortiront leurs épingles du jeu, seront celles qui appréhenderont vers quoi les consommateurs ont envie d’aller, et qui anticiperont les tendances de demain.

L’heure est au renforcement de la raison d’être : bien au-delà d’un simple logo estampillé, chaque entité doit se forger une véritable « marque employeur » pour attirer les meilleurs profils. Dans cette logique, les espaces de travail sont une démonstration et le reflet de l’âme, loin des process, des postes et des statuts, car c’est bel et bien l’émotionnel et l’authentique qui fédère autour d’une idée commune.

Face à l’avènement des nouvelles formes de travail, les entreprises ont tout intérêt à repenser leurs locaux, à l’image d’une deuxième maison, socle de retrouvailles et vectrice de liens. Elles ont en effet pris conscience qu’on n’avait pas besoin d’être assis sur une chaise 9h d’affilée pour réfléchir, produire et être créatif. Salles de repos cocooning, salles de jeu conviviales, salles de sport, salons cosy où échanger et créer du lien, ou encore cadre de restauration loin des standards habituels de cantines, le bureau se veut aujourd’hui le cœur battant de l’entreprise.

L’environnement doit être favorable au développement cognitif des usagers et celui-ci doit offrir une grande flexibilité en termes de natures. Qu’il s’agisse d’aller diner en amoureux, d’une tablée festive entre vieux amis ou d’un rendez-vous professionnel, le choix d’un lieu est crucial, idem pour le milieu de l’entreprise lorsqu’on doit stimuler sa créativité ou au contraire être au calme, concentré. Basé sur le principe de l’« expérience client », la stratégie d’aménagement des espaces est avant une tout une étude sur les flux et les usages, répondant à des besoins primaires : « Est-ce que je me sens bien ? Est- ce que je trouve mes repères ? »

Baby-foot, canapés géants où s’avachir, consoles de jeux vidéo à gogo, tels sont les clichés de l’environnement start-up qui font tant rêver les jeunes diplômés, avides de faire partie de l’aventure. Emblème de leur philosophie, symbole de leurs valeurs, le fameux baby-foot est une image d’Épinal galvaudé et dont on doit se méfier. Pourquoi se sent-on bien dans un bureau ? ce n’est guère dû à un baby-foot qui traine nonchalamment dans un coin sombre et dont personne ne s’empare à la pause déjeuner. Ne remplaçant en aucun cas une vision globale d’aménagement, il est bon de rappeler que les collaborateurs ont avant tout besoin d’un endroit qui leur permettent de bien effectuer leur travail, dans des conditions confortables et propices à l’équilibre entre le privé et le professionnel. En bref, donner du sens intelligemment, loin des apparences et du superficiel.

A l’heure où le management collaboratif prend de l’ampleur, où la notion de confiance et de résultat ont la primeur, des locaux bien pensés deviennent un impératif à mettre en place. Dans une société où l’on se sent épié ou surveillé, le reflexe primaire sera de fermer les portes et défendre son petit bout de territoire. Et c’est en mettant à l’aise les salariés, en leur autorisant des attitudes naturelles et des échanges récréatifs, qu’ils recréeront du lien mais surtout le plaisir d’œuvrer ensemble pour une cause commune…