Tasses à café qui trainent, monticule de papiers, dossiers éventrés, élevage de post-it griffonnés et autres joyeusetés, nous avons tous eu des collègues désordonnés comme voisins de chambrés. A moins que ce soit l’hôpital qui se fiche de la charité ? Bref, certains s’en agacent, d’autres s’en amusent. Dans la grande famille du bureau je voudrais aussi « monsieur tatillon ». Ici, l’espace est maitrisé, au carré, et c’est le moins qu’on puisse dire. Rien ne dépasse. Tout est à sa place dans une logique apparente (ou non d’ailleurs, chacun a ses marottes…) Vous l’aurez compris, le bureau en dit long sur son utilisateur, mais nous aurions tort de le cantonner à cet état de fait… Mieux, parait-il que le bazar serait même gage de performance ! Petite incursion…
« Si un bureau encombré évoque un esprit encombré, alors que dire d’un bureau vide ? » énonçait Einstein. Et ce n’est pas la grande histoire qui manque de génies « bordéliques » comme en témoigne le biologiste et pharmacologue Alexander Flemming qui révolutionna l’histoire de la médecine. Travaillant d’arrache-pied sur les bactéries responsables de pneumonies et de méningites, ce dernier a fait une découverte fortuite après son retour de vacances, non sans avoir laissé son laboratoire dans un boxon sans nom. La magie a opéré, puisque la moisissure de Penicillium s'est développé à vitesse grand V, lui permettant d'en démontrer ses puissants effets antibactériens. Petit chanceux me direz-vous ?
Revenons à nos moutons : « Range ta chambre ! » Qui n’a jamais reçu cette sempiternelle injonction ? Ça ne vous aura pas échappé, le diktat du rangement s’incruste dans notre quotidien dès le plus jeune âge. Le « bazar », synonyme d’irrespect, d’inefficacité, voire de confusion mentale, n’est guère toléré dans les espaces de travail (toute proportion gardée). Pourtant certaines études prouveraient ses bienfaits en termes de productivité. Il ne va pas sans dire que certains secteurs d’activité sont plus souples que d’autres, à l’image du costume cravate obligatoire. Sans faire de généralité, un environnement de marketeurs, pubards ou directeurs artistiques rimera avec décontraction avec des stimuli encourageant la créativité et l’émulation collective. A contrario, un bureau où évoluent financiers et comptables respirera davantage l’ordre et la vigueur, les apparences oblige. Ordonnancement pour les uns, désordre pour les autres… Selon ce cliché, doit-on en conclure que chaque tache correspondrait à une échelle de désordre ? Devrait-on ranger son plan de travail dans le cadre d’une mission d’exécution et laisser fleurir le bazar pour innover et sortir des sentiers battus ?
A vrai dire, il s’avère que la décontraction et un peu de bazar aurait tendance à rassurer certains employés et même générer des associations d’idées, selon Eric Abrahamson et David H. Freedman, respectivement professeur de management et journaliste scientifique. Si les employés ont besoin d’une pause, tous les objets utiles se trouvent alors en ligne de mire : feuilles volantes, stylos, tasse à café, bouteille d’eau, téléphone, agendas, livres, post-it, si l’inspiration toque à la porte… Dans leur ouvrage intitulé Un peu de désordre = beaucoup de profit(s), les auteurs avancent l’idée qu’un chouia de pagaille est source de performance et de créativité. Et bon nombre de travaux universitaires vont dans ce sens :
Selon une étude menée par la Carlson School of Management de l’université du Minnesota, Kathleen Vohs, psychologue et économiste comportementale de renom, avance que « les environnements désordonnés libèrent des traditions et favorisent l’imagination. Un environnement quant à lui ordonné favorise la sécurité et « le conventionnel ». En somme, un peu de désordre est profitable pour faire preuve d’audace et d’initiative, des qualités prisées par les recruteurs.
Même si un bureau dérangé semble encourager la créativité, il n’est pas question de semer le chaos autour de soi, ce qui serait au contraire contre-productif pour soi et autrui. Un bureau dérangé se construit, se bichonne et ne doit pas bêtement ressembler à un fouillis généralisé. Exit les restes du repas de midi, les tasses à café où l'on peut déchiffrer son avenir, et autres fournitures en fin de vie, le tri est un allié. Un bureau dérangé doit vivre gaiement tout comme une bibliothèque, ou la cuisine de votre grand-mère. En apparence, le foutoir est de mise, et pourtant sa propriétaire s’y retrouve les yeux fermés. Là où est toute la complexité et l’alchimie sacrée entre désordre et organisation…
Quoiqu'il en soit, l’important reste d’être motivé et assidu dans son travail. Vous êtes doté d’un tempérament carré, vous mettez un point d’honneur à ce que chaque chose soit à sa place ? C’est aussi un avantage certain dans la vie de bureau !
On ne le répètera pas assez ! 😉