A la tête de la commercialisation chez SFL (Société Foncière Lyonnaise), Virginie Krafft revient sur la stratégie gagnante de la foncière, leader de l’immobilier tertiaire prime parisien. De l’usage des espaces, en passant par l’état du marché et la question énergétique, cet éclairage nous montre combien l’ère du bureau est entré dans un nouveau paradigme. Zoom !
Le monde du travail est en pleine mutation… Quels changements constatez-vous concernant l’utilisation des espaces dans vos actifs ?
Au sein des parties privatives, nos clients réalisent des aménagements hybrides prévoyant de la réversibilité dans les espaces et des positions de travail variées. De manière quasiment systématique désormais, un grand espace est dédié à la cafétéria qui se présente comme un lieu d’échanges, une sorte de place du village.
Bureau et « hospitality », les frontières s’affinent… Comment assurer le match parfait ?
Cette dernière décennie, les services se sont beaucoup développés au sein des immeubles. Avec l’arrivée du télétravail, l’immeuble de bureau doit plus que jamais séduire et permettre à ses utilisateurs de programmer plusieurs activités dans une journée de travail. Au-delà de la prestation, le design et le confort de ces espaces ont beaucoup évolué et s’apparentent à ceux de l’hôtellerie.
Quels changements avez-vous aussi relevé dans l’architecture des centres d’affaires ?
Pour répondre aux besoins des clients qui sont demandeurs de services de type fitness, auditorium, espaces pour recevoir des clients, restauration de qualité, nos immeubles se sont transformés. Les parties communes, autrefois simples lieux de passage, trouvent un nouvel usage. De même, les espaces situés en sous-sol, réservés jadis à des locaux accessoires tels archives ou parcs de stationnement, sont désormais valorisés. Ils constituent des espaces de travail et de vie dédiés aux services (salles de réunion, fitness, auditorium, mobilités douces, vestiaires, douches). Plus généralement, l'audace en termes d'architecture, le soin, le design et le confort que nous apportons à nos immeubles sont des vecteurs d'émotions positives qui participent au bien-être des employés.
Flexibilité des espaces, souplesse contractuelle, l’heure est au sur-mesure et aux engagements moins contraignants. Dans quelle mesure adaptez-vous votre offre à cette nouvelle donne ?
Nous sommes très attentifs à l’évolution des besoins de nos clients en termes de surfaces et nous y répondons régulièrement. Nos immeubles, la plupart de grand volume, permettent aisément cette flexibilité. Quant à la souplesse dans la durée, elle concerne moins nos clients qui font de leurs bureaux une vitrine de leur entreprise et qui souhaitent plutôt s’inscrire dans la durée.
La transition énergétique est au cœur des débats et fait couler beaucoup d’encre. Quid de votre feuille de route au regard de ces objectifs ?
SFL se définit comme un acteur engagé en développant une stratégie de décarbonation de ses activités sur l’ensemble de la chaîne de valeur. SFL vise une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre grâce à l’innovation et à l’engagement collectif de ses équipes et partenaires. Les objectifs sont ambitieux : réduction de 40% de consommation d’énergie en kWh/m² et de 70% d’émission de CO2 en KgCO2 /m² -scope 1 et 2 entre 2017 et 2030 (Scope 1 et 2). Dans le cadre du plan de sobriété hiver 2022-2023, tous nos locataires ont reçu une communication adaptée à chaque immeuble sur les bonnes pratiques et 40 locataires ont été consultés pour trouver des solutions communes à la baisse des consommations. Et les résultats constatés sont de l’ordre de 10%.
Quel en sera l’impact sur les investissements et les futurs baux ?
Dans le cadre de nos investissements et de nos rénovations d’actifs, nous sommes particulièrement vigilants à leur compatibilité au décret tertiaire. Nous intégrons dans nos modèles d’acquisition et nos budgets de rénovation le coût des travaux qui s’avèrent nécessaires. Nos baux contiennent une annexe environnementale qui énumère un certain nombre d’actions qu’il est conseillé de mener dans une politique commune preneur-bailleur visant à réduire nos impacts sur l’environnement. En revanche, en notre qualité de bailleur, nous ne sommes pas en mesure d’imposer une quelconque obligation en la matière.
SFL a récemment remporté différents prix à l’image du label « 5 stars » décerné par le GRESB. Pourriez-vous nous en dire plus ?
C’est un prix que nous obtenons pour la 10ème année consécutive. SFL a le label Green star du GRESB. Par ailleurs, en plus des certifications traditionnelles, nous sommes résolument engagés vers le bas carbone avec la 1ère opération BBCA rénovation dans Paris et avons 100% de notre patrimoine certifié en exploitation (Bream in use ou HQE).
Nous pouvons aussi nous targuer de n’avoir artificialisé aucun mètre carré depuis 10 ans. Pas un mètre carré n’a été bétonné et cela se vérifie grâce aux jardins, cours, rooftop et potagers aménagés. 10% de notre emprise foncière est ainsi dédiée à la végétalisation.
Vous affichez un taux d’occupation historique… Quelle est la recette de votre succès ?
Notre réussite s’articule autour de trois volets : premièrement, notre positionnement prime. SFL propose des bureaux iconiques dotés de services haut de gamme qui répondent aux aspirations et aux modes de vie des utilisateurs. Deuxièmement, notre localisation : 99% de notre patrimoine est situé dans Paris intramuros, une capitale au rayonnement mondial. De plus, nos immeubles sont très bien desservis ce qui concourt au bien-être des utilisateurs. Le lien entre performance au travail et mobilité n’est plus un secret ! Enfin, j’évoquerais nos efforts de transformation sur les actifs. Nous veillons à respecter leur caractère d’exception et leur esprit d’origine en y intégrant un design contemporain. Le sens du détail et les finitions ne sont jamais laissés au hasard.
Dans quelle mesure l’environnement de travail peut-il participer activement et de manière innovante à l’écosystème d’un quartier ?
En valorisant son patrimoine, SFL agit durablement sur son environnement immédiat et participe à la transformation de la ville par le développement des réseaux urbains chaud/froid de la Ville de Paris, par l’impact esthétique que créé l’architecture de ses bâtiments, et par le développement de la biodiversité et des espaces verts en harmonie avec la vie urbaine qui bénéficient tant aux salariés qu’aux riverains. Cette approche est en phase avec le plan biodiversité 2018-2024 de la Ville de Paris. Enfin, elle œuvre à la mixité fonctionnelle des quartiers en installant des bureaux attractifs dotés de services adaptés aux utilisateurs.
Comment caractérisiez-vous le marché immobilier tertiaire francilien ?
Le marché parisien connait un boom historique et la vacance est très faible dans le QCA. Les loyers atteignent des sommets dans ce secteur : si 1000 euros du mètre était encore inimaginable il y a quelques années, c’est aujourd’hui courant. En réalité, nous assistons à un véritable mouvement de fond depuis la crise sanitaire qui a questionné le sens au travail. L’immobilier tertiaire n’y échappe pas, et les entreprises ont tendance à miser sur la centralité quitte à se délester de quelques mètres carrés, un argument majeur en termes d’attractivité à l’heure du travail hybride.
Exode urbain, engouement pour la province, démocratisation du télétravail… Est-ce selon vous de simples épiphénomènes ou assistons-nous à un lent processus de décentralisation économique ?
Si Paris a connu quelques départs après la période des confinements (environ 150.000 personnes, soit presque 10% de sa population), ces départs ont été quasiment compensés par de nouveaux arrivants. Aussi, parmi les départs, 55% se sont relocalisés en Ile-de-France et une part importante continue donc de travailler à Paris. Il en est de même pour une partie des expatriés en province qui ont eu la possibilité, grâce au télétravail, de vivre éloignés de leurs bureaux mais qui continuent à venir travailler à Paris quelques jours par semaine. Aussi, Paris reste une capitale européenne attractive pour le reste du monde.
Depuis 2014, vous organisez en partenariat avec l’IFOP et Paris Workplace des études et conférences autour de l’environnement de travail. La dernière en date a mis en lumière l’attractivité de 4 capitales européennes. Que retenir ?
Cette étude a révélé une certaine homogénéité des attentes des utilisateurs du point de vue de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, le rapport au lieu de travail, les quartiers et environnements plébiscités. Nous avons pu constater que les salariés franciliens apparaissent comme les plus attachés à leurs bureaux et ceux qui y accordent le plus d'importance, notamment au regard du lien social qui s'y enrichit.