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Manager, une fonction qui doit faire sens

Sommaire

De Sénèque en passant par Marc-Aurèle, Bergson, Hannah Arendt, ou Rousseau, l’homme a de tout temps cherché à saisir l’essence et la finalité de la condition humaine. Au-delà de se creuser les méninges, d’aiguiser leur sens de l’observation et de coucher sur papier leurs réflexions, les grands penseurs aspirent à changer le regard sur le monde et modifier leur propre existence. Que l’on se range du côté des joyeux épicuriens ou des prudents stoïciens, ces deux courants ont érigé la philosophie comme ligne directrice. Car c’est bel et bien notre vision du monde, celle de notre prochain et notre place dans l’univers qui façonnent nos actions…

Prendre conscience de son moi intérieur, modeler ses habitudes au regard de ses convictions, savoir trancher en restant fidèle à ses valeurs, prendre du recul sur le tourbillon du quotidien et apprendre à penser par soi-même, tels sont les défis que nous renvoie aujourd’hui la société. La quête de sens, cheminement aussi vieux que le monde n’échappe pas au monde de l’entreprise. Comment se manifeste-t-il ?  Comment appréhender alors la fonction de manager ? Tour d’horizon…

 

La quête de sens : un besoin impérieux

Des cours de sport, en passant par l’indétrônable baby-foot et des aménagements dédiés à la convivialité, les bureaux font peau neuve pour offrir au salarié une expérience attrayante, notamment dans une période délicate post Covid. Après le bonheur et les grands principes de qualité de vie au travail, la quête de sens fait son entrée fracassante, portée par une nouvelle génération, plus exigeante et idéaliste que son ainée.

« J’aspire à m’épanouir et trouver du sens dans mon job » tels seraient les propos de ceux qui feront le monde de demain lorsqu’on les interroge sur la question de la réussite professionnelle. Cette préoccupation qui a commencé à faire son chemin dans les années 2010 est plus que jamais en vogue dans le paysage actuel : cours sur l’éthique en entreprise, débats sur la responsabilité sociale, labels ESG, avènement du métier de « Chef happiness officer » venu tout droit des États-Unis, rien ne semble arrêter ce déferlement. Faut-il voir y voir un besoin impérieux face à un capitalisme de plus en plus sauvage, ou est-ce un simple effet de mode dont les entreprises s’emparent ? …

Si la crise sanitaire a chamboulé le monde de l’entreprise, elle a également donné un grand coup de pied dans la fourmilière chez certains dont la lassitude et la perte de sens au travail se s’étaient installés. Sans forcément « tailler la route » pour aller élever des chèvres au cœur du Larzac, et troquer son attache-case pour une fourche, de nombreux cadres en ont profité pour entamer une reconversion professionnelle. Un déclic tombé à point nommé. Selon une étude publiée par Cadremploi, 14% des cadres interrogés ont osé franchir le pas et près de 83% envisagerait un jour de passer à l’acte, pour être davantage en accord avec leurs aspirations.

Terme quelque peu pompeux et « fourre-tout » par excellence, la quête de sens fait couleur beaucoup d’encre, mais qu’en est-il exactement ? Appréhender cette notion exige de se pencher sur son origine : tiré du latin sensus, ce mot est polysémique : du verbe « sentir », c’est-à-dire percevoir par les sens, il fait référence à la faculté d’éprouver des émotions et de se représenter une idée, une image. Outre les 5 sens qui permettent de recevoir les informations de son environnement, le sens est intimement lié à la noblesse de la raison d’être.

Historiquement relié au « collectif », le sens a aujourd’hui perdu de sa superbe dans nos sociétés ultra modernes. Les deux approches dominantes du XX siècle que sont le communisme et le libéralisme ont toutes deux montré leurs limites en termes de structuration de la vie en communauté. Face à cette perte de repères, la quête de sens ne peut-être qu’individuelle et façonné à partir de notre propre échelle de valeurs et croyances…

On ne peut plus subjective, celle-ci revêt différents aspects dans le monde du travail : d’une part, l’essence de notre activité et sa cohérence au regard de nos valeurs, celles véhiculées par l’entreprise, et le secteur d’activité. Donner du sens au travail, voici une nouvelle mission que les organisations se sont donné, un paramètre imparable afin d’attirer, fidéliser et motiver ses salariés…

Les vertus du « leader éclaireur »

Parce que le terme « manager » dans son origine latine est celui qui fait grandir ses équipes, le leader est investi d’une grande et honorable responsabilité. Au-delà de fixer des objectifs et d’en coordonner les tâches, ce dernier doit avant tout bâtir une vision inspirante, une aventure parfois épique mais noble si portée avec le cœur. Réputée pour être l’un des volets les plus complexe en entreprise, la gestion du personnel nécessite un sens aigu de l’empathie et de la psychologie. Dans cette optique, le manager va tenter de motiver les troupes et générer leur adhésion aux valeurs de l’entreprise, une tache de longue haleine car les salariés sont avant tout des gens libres et indépendants, aux parcours et horizons divers. En somme, un corps social éclectique qui donne parfois lieu à des conflits et difficultés managériales.

Parce que les valeurs d’une entreprise concourent à sa pérennité et servent de boussole au quotidien, il apparait indispensable de veiller à fédérer tous les acteurs. Démarche hautement stratégique et porteuse de sens, la définition d’une raison d’être est la pierre angulaire d’un management « éclairé ». Aussi, la réflexion doit de facto commencer par les dirigeants avec une bonne dose d’audace, pour oser montrer l’exemple et parfois casser les codes établis. Le leader éclairé est celui qui énonce avec clarté les valeurs de la société, dans lesquelles les salariés pourront se reconnaitre, car le « sens » est un processus continu de recherche d’équilibre entre aspirations propres et ce qu’offre la structure. Et donner du sens aux longues journées de travail, c’est donner l’occasion de trouver sa place au bureau, de prendre part à un projet qui nous dépasse et aussi d’avancer sur son chemin de vie ! C’est là l’un des vecteurs majeurs d’engagement qui fait tant défaut aux entreprises aujourd’hui.

Afin d’éviter l’écueil des vœux pieux et de tomber dans le verbiage désincarné et contreproductif, le message du leader doit être sincère et habité pour susciter l’engagement des employés et par extension, un « sens ». En effet, une des composantes de celui-ci étant la cohérence entre le message et les actes, les directions paradoxales voire contradictoires mettent en péril la loyauté des salariés. Au-delà de se refléter parfois publiquement et à grandes échelles par le biais de politiques RSE, les valeurs d’une entreprise doivent impérativement être sollicitées en interne, par le biais par exemple d’ateliers collectifs de co-création qui contribuent à se sentir partie prenante dans l’aventure.

Véritablement porté par sa mission et le sens du collectif, ce type de leader va également favoriser les travaux transversaux pour laisser l’intelligence collective jouer sa plus belle partition, qui fait fi de la hiérarchie.

A mesure que les sociétés évoluent, les entreprises prennent progressivement conscience de l’inadaptation de certaines approches, autrefois sources de performance. Aujourd’hui, plus que jamais, nous assistons à une transformation profonde vers un management collaboratif qui donne la part belle à l’initiative, la confiance et la quête de sens. Le manager qui réussira sera celui qui parviendra à aligner ses valeurs avec ses fonctions, où se conjuguera harmonieusement profit, humanité et sagesse. Un visionnaire un peu rêveur qui saura porter haut le collectif et donner le tempo !

« Le sens de la vie est de trouver ses dons. Le but de la vie est d’en faire don aux autres » clamait Pablo Picasso. Dans un monde de plus en plus empreint de contradictions, la philosophie est un excellent moyen pour s’éveiller à une multitude d’opportunités et ainsi devenir une « meilleure version de soi ». Trouver sa voie, oser sortir de sa zone de confort et être utile à son prochain. Partager sa lumière, ses expériences et ses talents pour faire grandir ses employés n’est pas une démarche vaine et naïve, mais bel et bien un idéal vers lequel il serait bon de tendre…