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De tout temps, les espaces de travail ont été pensés dans une logique fonctionnelle, souvent aux dépens de l’esthétisme et de l’attractivité. Alors que la décennie 2000 a mis l’accent sur l’enjeu de la transition numérique, nous observons aujourd’hui de nouveaux codes en matière de management et d’organisation, des impératifs que les sociétés doivent intégrer pour perdurer et attirer des talents. Une nouvelle donne qui met en évidence une continuité entre espaces de travail et espaces privés, une frontière toujours plus fine entre lieux physiques, numériques, semi-privatifs, ouverts, partagés ou bien dédiés… Le bureau devient alors un lieu de vie à part entière, où collaboration rime avec bien être. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Des environnements adaptables…
Si on peut considérer qu’hier un bon bureau, table, chaise et ordinateur représentait de bonnes conditions de travail, cela est bien différent aujourd’hui. Fini le temps des longues journées assis 8 heures sur sa chaise, les employés ont la liberté de « voyager » au sein de l’entreprise en fonction des taches à effectuer. Jadis modèle de référence né dans les années 80, l’open space a révélé ses faiblesses : initialement destiné à favoriser les interactions et l’émulation collective, cet agencement permettait d’économiser des mètres carrés et de renvoyer l’image d’une société « cool ». Mais ce décloisonnement à outrance n’a pas eu l’effet escompté, comme le prouve de nombreuses études. Pire, il inciterait les employés à s’écarter du groupe et à interagir plutôt par mail, tout en générant nervosité et baisse de productivité dû au brouhaha ambiant. N’est-il pas commun de voir chacun en rang d’oignon, écouteurs vissés dans les oreilles afin de chercher calme et concentration ? Bonjour la créativité …
Alors que le poste de travail classique tend à devenir obsolète depuis notamment la démocratisation du télétravail, la tendance est plutôt au mobilier hybride qui permet de réaliser des tâches diversifiées, dans une ambiance évolutive. Cabines dédiées au phoning, tables modulables sur roulettes avec plateau ajustable, fauteuil intimiste esprit « alcôve » avec luminaires et guéridons, « poufs » plus informels ou encore nouvelles assises plus propices aux appareils numériques… l’agencement sur-mesure est roi au royaume du tertiaire ! En somme, l’idée est d’avoir un mobilier permettant de varier sa position de travail : debout, assis, voire parfois presque de manière allongée. Face à la crise sanitaire qui a remis sur le devant de la scène les problématiques liées à la QVT, bons nombres d’entre nous sont davantage soucieux de leur santé. Si les exigences étaient moindres il y a encore quelques années, les troubles musculo–squelettiques (TMS) sont devenus un enjeu de taille. Communément surnommé le mal du siècle, le mal de dos fait souffrir des millions de personnes au quotidien. Mobilier mal adapté, mauvaise position, notre génération est une adepte de la sédentarité, une menace sourde qui donne parfois lieu à des arrêts maladie ayant pour cause la position de travail. Le confort reste donc la priorité première, et celui-ci va plus loin aujourd’hui, avec la naissance de solutions innovantes acoustiques, ou tout simplement de repose pieds, de souris ergonomiques qui protègent la santé et améliorent les conditions de travail.
Et design !
C’est un fait : on n’imprime jamais aussi bien la mémoire des visiteurs que par l’émotion suscitée dès le premier coup d’œil dans le hall d’une entreprise, d’un hôtel ou d’un restaurant, et ce grâce à la décoration. Un environnement, une identité forte… une première impression qui fait mouche ! Parce que l’environnement a un impact direct sur notre humeur et qu’il est bon d’évoluer dans un cadre agréable et confortable, nous sommes nombreux à arranger avec soin notre home sweet home. A la fois pour soi, mais aussi pour ceux que nous recevons autour d’une belle tablée. Mais pourquoi le « beau » serait-il exclusivement cantonné à certains établissements et à la sphère privée ? Adieu le mobilier d’antan qui nous faisait savoir que nous étions sur un lieu de travail : triste, impersonnel voire austère, le cliché du bureau n’a plus qu’à aller se rhabiller et trainer son spleen hors des murs. Et pour cause, l’heure est à l’esthétisme qui confère un supplément d’âme aux locaux, un levier de performance non négligeable mais aussi une « marque employeur » qui n’est pas des moindres. Empruntant de plus en plus les codes de l’hôtellerie, nombreuses sont les entreprises à opter pour du joli mobilier, à l’instar de canapés moelleux ou de fauteuils où se lover, favorables à la concentration ou aux discussions informelles, et ce hors des frontières de la banale salle d’attente. Il n’y a qu’à faire un tour dans les salons spécialisés comme le Workspace, dont la fréquentation a fait un bond de 65% par rapport à l’édition 2019, ou Maison et Objets qui s’est doté d’un volet « environnement de travail », pour constater que le mobilier a changé de peau et affiche fièrement un look « design » et élégant.
Alors que l’aménagement des bureaux devient un réel enjeu stratégique pour attirer et conserver ses talents, certaines entreprises surfent sur les grands principes du « design biophilifique ». Fruit de 15 ans d’études auprès de 3600 employés répartis dans huit pays, le psychologue Sir Cary Cooper, professeur en psychologie organisationnelle, a prouvé l’importance de l’intégration d’éléments naturels au cœur des espaces de travail. Qu’il s’agisse de plantes vertes, de fenêtres donnant sur un jardin ou de décoration rappelant symboliquement Dame nature, la nature a tout bon et stimulerait la créativité en abaissant le niveau de stress. Nul besoin de transformer vos locaux en forêt primaire, certaines plantes grasses ne sont guère exigeantes, et pour les plus passionnés, on retrouve la grande tendance des murs végétalisés autosuffisants qui ne nécessitent presque pas d’entretien.
Tout comme l’art, le monde de l’entreprise invite à l’échange et à la discussion. Alors que nous sommes nombreux à passer beaucoup de temps au bureau, il devient logique de considérer les espaces de travail comme notre « deuxième maison ». Aujourd’hui en pleine mutation, il n’est plus un simple lieu où l’on exécute une tâche, mais bel et bien un endroit convivial, où l’on doit se sentir bien. L’art y a donc toute sa place ! Source d’évasion, une œuvre d’art pousse à la réflexion et à la douce sensation d’échapper quelques instants à son quotidien. Mais c’est aussi un vecteur idéal de conversation qui génère à coup sûr des débats enflammés. Dans cette optique, les managers ont tout intérêt à impliquer leurs équipes dans le choix des œuvres qui orneront leurs murs ! De la considération, une émulsion, bref, un cocktail efficace pour renforcer les liens hiérarchiques et le sentiment d’appartenance. Introduire de l’art dans la sphère professionnelle concours également à créer un cadre plus attractif, et à l’humaniser. Un zeste d’esthétisme, un max de bonne humeur et donc de productivité ! Enfin, la créativité n’est pas en reste. Un tableau chatoyant accroché au mur, une sculpture qui donne le «la » près de la machine à café, c’est une fenêtre ouverte sur l’imaginaire…
L’innovation est la mère du succès et repose sur la capacité à chacun de sortir de son cadre habituel, et appréhender la réalité autrement. Lorsqu’on doit se rendre au bureau à heures fixes pour rester figé devant son écran, il n’est pas chose aisée d’accueillir des idées nouvelles et changer de perspectives. En ce sens, les espaces de travail doivent offrir des réponses pertinentes en mettant en condition les esprits, en laissant les individus se mettre dans un contexte, à un moment opportun. En leur permettant de choisir leur lieu de création, de concentration, de concertation et d’échanges, on leur donne tous les moyens nécessaires de se déployer dans une logique d’autonomie.
La première impression est-elle toujours la bonne ? Quoiqu’il en soit, les locaux d’une société constituent la première image que les visiteurs se forgent. Il est donc primordial pour elle d’avoir une atmosphère qui lui ressemble et qui marquera les esprits. Moyen de communication à part entière (certes non conventionnel), les éléments décoratifs amènent de la chaleur à un lieu et envoie des messages subtils sur la culture d’entreprise, son ADN et ses valeurs.
Dans la révolution actuelle que nous vivons qui tend à s’interroger sur le sens et la valeur du travail, les entreprises ont tout intérêt à appréhender ce tournant en étant davantage créatives et agiles pour se réinventer au mieux.