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Aktis Partners a donné la parole à Hortense le Gentil

Solaire et décidée, Hortense Le gentil fait partie de ces personnalités qui vous plonge avec cœur et entrain dans son histoire, son quotidien. De l’entreprenariat dans l’industrie, en passant par les médias et la publicité, cette française qui a posé ses valises à New-York est une touche-à-tout, aujourd’hui « alignée ». (Les mots ont du sens !). Coach en leadership auprès des plus grands dirigeants de ce monde, elle nous livre un éclairage passionnant sur son métier et les mutations qui s’opèrent en entreprise. Une activité qu’elle partage aujourd’hui en tandem, avec son mari Hubert Joly, tous deux fondateurs du cabinet H2 Consulting. On y parle neurosciences, management, éducation… Une parole authentique et bienveillante saupoudrée d’un zeste de spiritualité !

Nouveaux aménagements des espaces, nouveaux modes de travail… le monde de l’entreprise est en pleine effervescence depuis la crise sanitaire qui a accéléré la donne. Comment voyez-vous les choses ?

Le monde a changé et nous ne sommes plus les mêmes. Face aux nombreux bouleversements, on s’est recentré sur ce qui est essentiel. On a réfléchi au sens que l’on voulait donner au travail et à notre vie, et peut-être challenger nos priorités. La question est au cœur de tous les débats ! Mais on a aussi redécouvert notre « quotidien » en famille.  En bref, les mentalités ont évolué et la question n’est plus « où je vais travailler », mais « pourquoi j’y vais ? ». Une remise en question qui a aussi engendré une vague de reconversions…

Vous insistez dans votre ouvrage sur la notion d’alignement. Est-ce une des composantes du leader de demain ?

L’alignement est à la base de tout pour réussir à la fois sa vie personnelle et professionnelle. Je l’ai compris dès mon plus jeune âge avec la pratique de l’équitation à haut niveau. La communication et la confiance étant reines, cette discipline est un travail d’équipe qui fait la part belle à l’empathie entre le cavalier et sa monture. Mais c’est une réalité que l’on peut aussi appliquer dans le monde de l’entreprise, où la question du management est en pleine mutation. Plus que jamais, le modèle du « leader héro », aujourd’hui obsolète, doit être remplacé par le « leader humain » et c’est ce à quoi je m’atèle tous les jours en tant que coach. Souvent formatés par leur passage dans les grandes écoles, les chefs d’entreprise se basent essentiellement sur leur intelligence rationnelle. Perçus comme des « héros » nés, naturellement dotés d’une intelligence suprême, ils ont l’obligation implicite d’avoir réponse à tout, et vite. Je vais surement grossir le trait, mais ces derniers n’ont pas « appris » à montrer leur humanité en entreprise, c’est à dire être parfois faillible et vulnérable. Qu’il n’y avait aucune honte à cela, bien au contraire. En somme, être soi-même et chercher à donner du sens aux choses. Loin de s’identifier à des héros, images fantasmées et inatteignables, nous préférons et de loin les personnalités charismatiques mais authentiques qui ont une vision. Car être aligné, c’est être connecté et en accord avec ses valeurs. Jadis un peu dans son coin, le nouveau leader est tel un capitaine de vaisseau, qui, en pleine tempête saura donner le cap à ses équipes, tous ensemble dans l’adversité. Seul il ne pourra jamais livrer bataille en plein brouillard. Dans un monde incertain qui est le nôtre, il doit accepter de ne pas avoir toutes les réponses et son alignement sera sa boussole, son étoile de berger qui l’aidera à clarifier sa vision. Manager nécessite donc de s’intéresser à ses équipes, et le bon leader est celui qui est connecté à ses valeurs, qui se connait, qui grandit dans sa fonction tout en faisant grandir les autres…

Si je vous dis quotient intellectuel versus quotient émotionnel…

Comme dit précédemment, la plupart des leaders ont été conditionnés par des enseignements analytiques. Rares sont ceux à qui on a expliqué « comment se servir » de leur cerveau droit, siège de la créativité, de l’innovation et de l’intuition. La clé est d’user des deux à bon escient ! Avec la crise sanitaire, la sphère privée s’est invitée au travail par le biais des visio : chats déambulant dans leur bon droit devant l’écran, enfants tourbillonnant dans le salon transformé en bureau, la frontière entre vie professionnelle et personnelle est devenue poreuse. Parfois ponctué de « petits incidents » qui ont détendu l’atmosphère, le télétravail et ses réunions 2.0 ont eu le mérite de rendre les gens plus « humains » et moins figés dans leur fonction. Mais cette crise a aussi été l’opportunité de se poser les VRAIES questions, parfois cornéliennes : « Qu’est ce qui est le plus important pour moi ? Mon chiffre d’affaires ou la santé de mes employés ? ». La plupart de mes clients ont fait de la sécurité une priorité, ce qui leur a valu le respect des équipes. Ils se sont sentis compris et entendus, n’étant pas de simples rouages d’une machine sans âme. Voilà le visage du « leader humain » !

Quels sont les freins à cette transformation ?

D’abord, la peur de se connecter à ses propres émotions. Pour les CEO coutumiers du raisonnement pragmatique, l’introspection a quelque chose d’intimidant, voire de dangereux, qui risque de bouleverser les choses. Les changements de comportement induits par cette quête de soi risquant d’être perçus comme un signe de faiblesse. Perte de contrôle et perte de respect, sont autant d’aspects qui font paniquer les plus grands leaders. Secundo, la peur du chaos si les émotions s’ancrent profondément sur le lieu de travail, faisant craindre la cacophonie. Alors que de nombreux leaders peinent à gérer leurs propres émotions et celles des autres, diriger avec le cœur exige d’affronter ses peurs.

Comment travailler dessus ?

Il s’agit de faire barrage aux pièges que sont les vieilles croyances issues de schémas inconscients. Nous avons tous une petite voix à l’intérieur de nous qui a forgé notre perception du monde et de nous-même. Elle émane des autres : de la famille, d’amis ou encore de stéréotypes dictés par la société... Lorsque cette dernière est associée à des évènements traumatisants, elle modèle encore plus durablement nos comportements. Pour faire ce tri et devenir un « leader humain », il faut s’armer de courage pour triompher et se libérer. Après l’identification de ces pièges, j’explore en profondeur ces questions avec mon client en tentant de contourner le mental, (le cerveau rationnel) ici un ennemi. Cette « reprogrammation » de l’esprit passe par des outils appropriés comme la visualisation positive et la tenue quotidienne d’un journal de bord qui aide à se créer de nouvelles habitudes.

Le coaching est-il une suite logique dans votre parcours ?

Bien que passionnée par la psychologie, les neurosciences et la spiritualité, je n’ai jamais caressé le rêve d’être coach. C’est bel et bien la vie qui m’a propulsée à ma juste place parce que j’ai suivi mon instinct. J’ai longtemps évolué dans le milieu des médias et de la publicité avant de me rendre compte que j’en avais fait le tour. Introspection oblige, j’ai invoqué la jeune femme de 20 ans que j’étais et qui rêvait d’être entrepreneure. Pari réussi : ces années passées dans l’industrie aux côtés d’un associé aussi diffèrent que complémentaire, m’ont forgé une solide expérience ! Mais encore une fois, j’ai commencé à tourner en rond… Jusqu’à ce qu’un ami me présente mon tout premier client entrepreneur. N’étant pas coach à proprement parlé, j’y suis un peu allé à reculons, mais ce fut une révélation. Le puzzle s’est mis en place et j’ai mis les bouchées double pour atteindre ce rêve. Un travail qui m’a valu d’être invitée par Marshall Goldsmith à faire partie des 100 personnes dans le monde à le représenter, au travers du programme MG100 coaches. Une consécration !  Il n’y a pas de secret, lorsqu’on est aligné, ça marche ! (Sourire)

L’intuition, une bonne conseillère ?

A l’instar de nombreux scientifiques et chercheurs, Einstein vouait à l’intuition une très haute estime, estimant qu’elle est « la seule chose qui vaille au monde. » avant de poursuivre : « L’esprit intuitif est un don sacré, et l’esprit rationnel est un fidèle serviteur. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don ». Ce dernier, rendu célèbre pour sa découverte sur la théorie de la relativité, a eu un éclair de génie alors qu’il s’imaginait un homme tombant sans sentir aucun poids. Frappé par cette évidence, il aura mis plus de 8 ans pour mettre au point sa pensée, jusqu’à graver dans le marbre les fameuses équations qui ont révolutionné la physique. Alliée de taille au quotidien et contre toute attente, dans le domaine des sciences, le cerveau droit trouve directement les réponses. Il perçoit la réalité dans son ensemble, sans interprétation. Il établit ses propres liens, agissant comme s’il avait accès à une base de données infinie. A vrai dire, c’est toute la force du cerveau droit qu’il convient de développer pour faire les bons choix…

Souvent mal perçu en France, voire galvaudé, le coaching jouit d’une belle réputation aux États-Unis. Comment expliquer cela ? Est-ce une question de culture, de mentalité ?

Les deux ! La France est en retard sur ces questions. Demander ouvertement de l’aide et explorer ses émotions est encore trop souvent perçu comme une tare, voire une remise en question de ses capacités. Au pays de l’Oncle Sam, on le prend souvent comme une opportunité d’être meilleur, à l’image des grands sportifs qui sont accompagnés. A mon humble avis, la France, à l’image du vieux continent, craint le changement et cultive un esprit conservateur. Il est bon de rappeler que les États-Unis sont des terres d’immigration et qu’il a fallu tout construire et s’adapter, en y mettant une petite partie de ses origines, de sa culture. Et pour ce faire, ils ont dû faire appel à leur hémisphère droit, cerveau de la créativité, de l’innovation et de la vision. Bien que cela soit un peu cliché, les Américains sont plus à même de s’en servir ! Mais c’est aussi une question d’éducation dès l’enfance : en France, on pointe souvent du doigt ce qui ne va pas, au lieu d’opter pour une approche optimiste, pleine d’encouragements et de dynamisme, à l’américaine. Un parallèle qui n’est pas sans faire écho à la chaire « Purposeful Leadership » lancée par Hubert Joly au sein de HEC. Depuis 2018, cette dernière a pour vocation de changer les mentalités pédagogiques, et influer un changement structurel qui forgera les leaders de demain.

Penchons-nous un peu sur la question du bureau…

Je pense que la notion même de bureau va totalement changer. Le bureau sera avant tout un lieu de retrouvailles où se matérialise la culture d’entreprise. Aujourd’hui, on parle beaucoup de « flexibilité », mais c’est bel et bien d’autonomie dont il s’agit et dont les gens ont besoin. La nuance est d’or ! Du bon sens avant tout : chacun sait où il travaille le mieux en fonction des tâches à effectuer, au lieu de rester bêtement 8h les yeux rivés sur son écran ! Nous tendons également vers une dynamique de réduction des mètres carrés, et cela est particulièrement visible à Manhattan où de nombreuses surfaces sont vacantes. Dorénavant, on « emmène  son bureau » partout et la productivité s’avère inchangée, voire améliorée selon les dires de mes clients. L’entreprise, son rôle et ses modalités étant en pleine mutation, je doute qu’un retour en arrière soit au programme…

Vous avez monté avec votre mari, Hubert Joly, un cabinet de coaching à New York baptisé H2 Consulting Group. Racontez-nous !

De par son expérience et le chemin qu’il a emprunté en tant que CEO, Hubert est bien placé pour accompagner les grands décideurs. Nous sommes très complémentaires dans notre mission : d’après nos clients, notre duo permet de ne « rien laisser sur la table » ! (Rire). Ensemble, nous travaillons avec eux sur leur alignement, la quête de sens et organisons des Executive Leadership Programs, ainsi que des ateliers vivants, bien souvent réalisés avec les équipes du leader.

A quoi ressemble votre bureau ?

Mon bureau est ensoleillé et lumineux et offre une vue imprenable sur New-York et la Hudson river. Autour de moi ? Beaucoup de livres, des photos de voyages et de mes proches, ainsi que des plantes et bien souvent des roses.

Enfin, auriez-vous une maxime, un adage qui vous tient à cœur ?

« Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris » disait Oscar Wilde