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Advisory • Concept • Project • Bureau opéré

Aktis Partners a donné la parole à Christophe Giral

A la tête de l’ensemble des activités du développement touristique et immobilier d’Eurodisney, Christophe Giral veille sur un territoire en pleine effervescence et dont les projets sont aussi pharaoniques que passionnants. Une vision réussie de la ville de demain qui fait la part belle à l’expérience utilisateur et où il fait bon vivre … et travailler ! Nous sommes allés à sa rencontre.

 

Eurodisney… Une véritable histoire d’amour qui remonte à plus de 30 ans… Pourriez-vous nous retracer vos temps forts ?

Pour tout vous dire, j’en suis à mon 5eme pot de départ (rire). J’ai rejoint le groupe en 1991 pour un poste saisonnier à la sécurité en parallèle de mes études. Ce premier pas m’a permis de comprendre l’exploitation et le fonctionnement des parcs, qui restent aujourd’hui la première destination touristique européenne, avec une qualité de spectacle et un professionnalisme des équipes de haut niveau. J’ai ensuite poursuivi ma collaboration au sein des équipes opérationnelles. Grâce à cette expérience, j’ai découvert le versant immobilier en intégrant la branche « Real Estate Development by EuroDisney » où j'ai créé la toute première brochure, le logo, ainsi que la maquette du projet. Sans savoir que j’en prendrai la tête quelques dizaines d’années plus tard !

De stagiaire dans les années 90, vous finissez par monter la branche immobilière corporate en 2010. Quelle a été la feuille de route pour cette entité aussi singulière que pharaonique ?

En 2008, j’ai été rappelé pour superviser l’élaboration et la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de repositionnement du campus. Il a été de question de veiller à des conditions d’exploitation optimales, ce qui n’était pas des moindres au vu de notre typologie : Eurodisney emploie près de 17.000 personnes sur un seul site, et ce sont plus de 500 corps de métier, dont certains artisanaux en voie de disparition. Cette grande diversité d’environnements de travail impose d’embrasser une vision en cohérence avec l’ensemble des projets déployés. Une réflexion sur le long cours qui a été passionnante, puisque notre conduite du changement a été inspirée des techniques urbanistiques d’une véritable ville.

 

Concrètement, comment cela s’est-il traduit ?

Nous avons structuré cette direction immobilière pour les coulisses du parc et travaillé avec les mêmes architectes en charge du projet Val d’Europe. L’idée maîtresse a été de réinventer le campus par « quartier » pour insuffler un nouvel élan, une nouvelle culture d’entreprise sur le long terme. A l’image d’une ville, nous avons créé des rues et places afin d’optimiser les flux et faire la part belle à l’expérience utilisateur. Au-delà de l’aspect organisationnel, l’immobilier est avant tout une affaire humaine. J’ai souhaité que mes équipes s’expriment davantage en taux de satisfaction, et non en mètre cube ou carré. Partant d’une page blanche, nous avons eu le loisir d’innover et réfléchir sur 1001 concepts : qu’est-ce qu’un poste de travail ? Comment analyser les besoins ? Comment gérer les déménagements ? Comment organiser les espaces informels sans tomber dans la standardisation souvent mauvaise conseillère ? Tant de problématiques aussi complexes que grisantes… Nous avons eu le feu vert du comex pour réaliser des tests grandeur nature, en gardant toujours à l’esprit que le collaborateur est un client comme un autre. La qualité de vie au travail étant notre ligne directrice, nous avons conçu une dizaine de nouveaux bâtiments respectueux de l’environnement et qui s’adaptent aux besoins des utilisateurs. Nous avons aussi testé différents aménagements tel que le flex office, ce qui était très novateur il y a 12 ans. Si la plupart de nos commerciaux sont en vadrouille chez nos clients, nous avons mis un point d’honneur à ne pas faire d’économie sur le mètre carré, mais au contraire le redonner à l’utilisateur sous la forme de salles de repos, de pièces informelles propices à la convivialité.

Quelles répercussions a eu la crise sanitaire sur l’environnement de travail au sens large ?

 

Que l’on soit une petite PME ou un groupe comme le nôtre, l’enjeu est de savoir s’adapter voire… anticiper demain. Ironie du sort, nous avions décidé pré-covid d’investir dans du matériel informatique de pointe pour faciliter le travail hybride. Fort heureusement, nous étions malgré nous préparés au confinement, cette décision s’est révélée stratégique. Aujourd’hui, le télétravail est laissé à la libre appréciation pour ceux qui peuvent en profiter. L’important est de responsabiliser les collaborateurs et d’organiser la flexibilité avec leur direction, dans un intérêt individuel et collectif. C’est un savant dosage, qui plus est dans un groupe à l’ADN aussi fort que le nôtre. Le Covid aura eu le mérite d’harmoniser vie professionnelle et personnelle, mais aussi de repenser le sens au travail, ce qui est une excellente chose. Le bureau se veut plus que jamais rassembleur et fédérateur.

Eurodisney est indissociable de cette ville nouvelle qu’est Val d’Europe. Quelle est sa genèse ?

Val d’Europe est le fruit d’un partenariat entre l’État et Eurodisney qui remonte à 1987. Autrefois un bourg agricole aux plateaux plats et verdoyants, nous avons déployé un véritable contexte urbain attractif, qui a grandi au même titre que la locomotive économique du parc. Un défi de taille… Arrivé à mi-parcours de son développement, Val d’Europe compte désormais plus de 37.000 habitants, dont plus de la moitié ont moins de 40 ans, et autant d’emplois, en phase avec la règle sacrée « un habitant-un emploi ». Les quelques 800 millions d’euros investis sur cette emprise foncière de 2200 hectares ont permis un formidable effet de levier, en générant près de 8 milliards d’investissements privés.

En 2018, l’aventure continue, vous briguez la tête de l’ensemble des activités du développement touristique et immobilier d’Eurodisney. Val d’Europe n’a plus à rougir de son succès… Quelles sont les clés de sa réussite ? 

J’accompagne d’une part l’évolution de la destination touristique en poursuivant les développements immobiliers qui renforcent l’expérience de nos visiteurs, et d’autre part le développement de Val d’Europe en programmant l’ensemble des actifs pour lesquels nous choisissons les meilleurs partenaires. En étroite coopération avec les élus des 10 communes, notre philosophie a toujours reposé sur l’expression d’une vision à long terme pour faire naître un territoire équilibré où dynamisme économique rime avec qualité de vie. Inspiré de l’urbanisme des villes européennes, il se compose de places, de boulevards et de terrasses, à l’échelle parfaitement étudiée qui confère un charme et un cachet notoire. Loin d’une quelconque tendance, Val d’Europe s’inscrit dans un désir d’enracinement lié à la culture européenne qui se patinera avec les années, en somme bien éloigné de certaines villes nouvelles aseptisées, aux évolutions parfois incohérentes et déstructurées. Je ne vais peut-être pas parler de « Fear East », mais il y a quelque part un caractère pionnier chez ces habitants qui ont voulu concilier qualité de vie et bien travailler. Outre la nature qui promet de belles promenades, Val d’Europe a des allures de ville du quart d’heure où shopping, restaurants, bureaux, crèches, loisirs et commerces sont à portée de main dans un environnement savamment réfléchi. Penser la vie avant la ville a toujours été notre fil rouge. Si certaines mauvaises langues ont baptisé le centre commercial Val d’Europe, dont j’avais pris la tête en 2004- de Titanic du retail, sa réputation n’est plus à refaire. Critiqué à l’époque pour son esthétisme atypique et sa situation, ce pionnier européen en termes de restauration attire des millions de visiteurs, et compte 130 grandes enseignes. La Vallée Village est aussi un immense succès commercial pour son segment haut de gamme qui fait de l’œil aux parisiens friands de bonnes affaires. Mais Val d’Europe s’engage aussi à faire vivre l’environnement grâce aux petits commerces de proximité. Point d’enfilades de façades mornes à l’image des banques, le petit boucher, café ou boulanger du coin est mis en lumière. Nous travaillons sur des plans de merchandising pour organiser la commercialité et choisir des acteurs triés sur le volet que nous accompagnons dans leur déploiement. Toutes ces composantes mises bout à bout font la réussite de ce territoire de l’est parisien, et nous avons même sur certaines communes une natalité digne de l’Inde ! A vrai dire, les gens viennent tout naturellement chez nous, ce n’est jamais le fruit du hasard. C’est un choix 100% stratégique et émotionnel. Nous poursuivons notre lancée avec près de 500 nouveaux logements par an. Si dans un premier temps les habitants se sont implantés, les entreprises n’ont pas hésité à suivre le mouvement…

En parlant des entreprises, comment caractérisez le paysage de bureau ?

Avant toute chose, il est bon de rappeler que l’accessibilité est reine à Val d’Europe. Peu de gens le savent, mais nous sommes la première gare TGV de France ! Vous avez 80 à 100 trains qui relaient quotidiennement 60 villes de province, mais aussi Londres en direct avec le Thalys. Et rejoindre Paris est simple comme un jeu d’enfant avec le RER A. Comble du luxe, vous êtes aussi à une dizaine de minutes en transports des deux aéroports français.

En 2004, je suis revenu chez Eurodisney après 3 ans d’absence. Un retour marqué par l’ambition de développer une offre de bureau, un pari un peu fou qui n’a guère convaincu promoteurs et brokers à l’époque. Force est de constater que cette initiative a porté ses fruits : nous pouvons nous targuer d’avoir développé plus de 650.000 mètres carrés de bureaux et implanté près de 7200 entreprises, dont 973 rien qu’en 2022. A l’image des habitants, les entreprises sont elles aussi pionnières et souhaitent se réinventer, non plus dans Paris intra-muros, ni à La Défense et dans un campus en première couronne. Ces dernières trouvent ici les avantages de la capitale sans les inconvénients. Exit les bouchons, la question épineuse du parking et notamment les prix de l’immobilier, puisque nous sommes entre 120 et 200 euros du mètre pour des actifs de dernière génération. Nous avons implanté entre autres Tesla, le siège régional du crédit agricole Brie Picardie, et plus récemment le siège français du leader mondial allemand de l’emballage. Notre vacance avoisine les 3% à l’image du QCA !

Consécration, vous avez remporté il y a quelques mois le Mipim Award pour l’implantation du futur campus Deloitte…

Nous en sommes effectivement très fiers. De Cape Town en passant par Londres, Amsterdam jusqu’à Reykjavik, le plus gros cabinet de conseil au monde nous a choisi parmi 88 sites. Fruit de 8 ans de consultation, ce projet mené par Nexity Immobilier Entreprise et imaginé par l’agence Dubuisson Architecture, ouvrira ses portes fin 2023. L’implantation de ce centre de formation pour les professionnels en Europe, au Moyen Orient et en Afrique est un choix qui ne doit rien au hasard, mais qui prouve une fois de plus l’attractivité du territoire. Étendu sur 15 hectares en bordure du golf de Disneyland Paris, le bâti joue la carte environnementale avec une propension remarquable d’espaces vert et une utilisation considérable des énergies renouvelables. Les panneaux photovoltaïques fourniront par exemple 40% des besoins du campus ! « Comme à la maison » sera son slogan. Un projet très novateur…

 

La direction immobilière et les ressources humaines… « Le tandem de demain ? »


Ils sont complémentaires. J’aime comparer le directeur de l’immobilier à un chef d'orchestre, un peu caméléon. Il ne s’agit pas de savoir jouer de tous les instruments, mais de lire une partition dans son ensemble et de s’associer à chaque chef de pupitre. En quelques décennies, ce métier s’est d’ailleurs largement professionnalisé mais aussi complexifié en raison des nouvelles normes. Ce tandem incontournable est chargé d’harmoniser l’environnement de travail aux objectifs du groupe. Alors que l’immobilier est par nature immobile, comment le rendre le plus agile et flexible possible ?  Cet exercice nécessite une prise de risque, du grand écart au saut périlleux… et nous n’avons pas d’autre choix que de retomber sur nos pieds et nous adapter à chaque nouvelle réglementation ou imprévu. La clé de la réussite est de capter l’air du temps et de connaitre ses équipes. Chaque société étant par essence très spécifique, il n’existe pas de méthodologie type. Nous voyons bien que l’on ne travaille pas dans le luxe comme on travaille dans l'industrie automobile, ou dans les services. Pour terminer, je dirais que le directeur de l’immobilier est avant tout le garant de la prospective d’un écosystème.

 

 

A quoi ressemble votre bureau ?

Salons collectifs, showroom vips, salles de visioconférences et même ma voiture, j’ai la chance d’avoir l’embarras du choix. Et c’est un peu le reflet de ce qu’il se passe aujourdhui : l’environnement de travail devient multiple. En définitive, un bon bureau est celui qui offre aux collaborateurs la capacité de produire dans de bonnes conditions et qui joue sur la flexibilité. Il doit aussi favoriser l’intelligence collective et faire vivre la marque employeur.