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Advisory • Concept • Project • Bureau opéré

Aktis Partners a donné la parole à Corinne Orsoni

« Penser la vie avant la ville » tel est le crédo de l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerannée qui ambitionne de dessiner la ville de demain. Respectueux de l’environnement et pensé pour ses usagers, ce territoire marseillais fourmille d’initiatives innovantes et d’opportunités immobilières. Nous avons voulu en savoir plus… Corinne Orsoni a répondu présente !

Quelle est votre mission au sein d’Euroméditerranée ?

Euroméditerranée dispose de deux grandes directions opérationnelles : l’aménagement mais aussi le « développement économique et innovation » pour lequel j’officie en qualité de responsable grands comptes. Étant en charge des relations avec les utilisateurs et les investisseurs, ma mission première est de les convaincre de l’attractivité du secteur, au regard de la qualité de vie et des opportunités immobilières. Évoluant depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’immobilier d’entreprise, j’ai pu acquérir une fine connaissance du marché et ses acteurs. Un écosystème qui m’est familier que je mets aujourd’hui à profit chez « Euromed » !

Hier à la réputation sulfureuse, la cité phocéenne renait de ses cendres et devient l’un des pôles les plus attractifs d’Europe, notamment grâce aux différents projets menés. Quelle a été sa feuille de route à ses débuts en 1995 ?

 Il faut savoir qu’au début des années 1990, ce secteur situé non loin du vieux port était totalement à l’abandon. Jadis occupé par des entreprises liées au commerce de produits en provenance des colonies françaises, il a fini par être délaissé à partir des années 70. Et les chiffres parlent d’eux même : en 20 ans, Marseille avait perdu près de 150.000 habitants et environ 20.000 emplois avec, à la clé, un taux de chômage avoisinant les 22%… L’État a alors décidé de lancer une opération de rénovation urbaine afin de requalifier cette ancienne zone industrialo portuaire et lui donner un second souffle. Ce projet d’envergure a pris le statut d’Opération d’Intérêt National (OIN) baptisé « Euroméditerranée ». L’idée était de redynamiser ces 480 hectares mais aussi de créer un pont entre les quartiers nord et le reste de la ville, une vision que nous embrassons encore aujourd’hui.

La première phase du programme de reconquête urbaine a-t-elle tenu ses promesses ? A quoi tient ce succès ?

En 27 ans, Euroméditerranée peut se targuer d’avoir généré 650.000 m² de bureaux, 45.000 emplois et accueilli 5300 entreprises… Nous avons aussi réhabilité 7000 logements et produit l’équivalent en constructions neuves. De ce no man’s land sont aussi sortis de terre 100.000 m² d’équipements publics, 200.000 m² de commerces et 20 hectares d’espaces verts !

D’une part, son succès tient au fait que nous avons hérité d’un territoire à la situation exceptionnelle, où la plupart des actifs ont une vue imprenable sur les embruns méditerranéens. Deuxio, je citerais l’implication sans faille de l’ensemble des acteurs privés et publics. Qu’il s’agisse de l’état, de la ville, la métropole, le département et la région, ils ont tous travaillé de concert et mené de grandes réflexions. Pour 1 euro d’argent public versé, 3 ont été versés par des investisseurs privés, au total plus de 7 milliards ont été mis sur la table pour redonner vie à ce périmètre. Enfin, l’existence même de l’Etablissement Public d’Aménagement a contribué à cette belle réussite. Son slogan ? « Penser la vie avant la ville », une philosophie qui nous accompagne au quotidien…

Est-il juste d’affirmer que ce territoire a appris des erreurs du passé en matière d’urbanisme ?

C’est très juste. Avant tout chose, nous avons mis l’accent sur la mixité des usages pour éviter l’effet « cité dortoir » et vice versa, ce qui est en grande majorité le cas à Lyon Part Dieu, à la Défense ou Euralille, transformés en quartier fantôme à la nuit tombée.

Nous avons également mis en place un référentiel de la ville méditerranéenne durable et désirable pour dessiner une ville plus verte, moins minérale, mais surtout adaptée à ses usagers. Dans cette optique, les équipements et infrastructures ont été pensés à hauteur de piéton et non de voiture, ce qui est assez novateur.

Enfin, et ce n’est pas négligeable, nous avons dû prendre en compte les contraintes climatiques spécifiques au pourtour méditerranéen. Précurseurs en termes d’ingénierie urbaine éco-compatible, les pays nordiques et anglo-saxons donnent le « la », mais leurs innovations ne sont pas adaptées à notre région. Ici, la recherche de la luminosité maximale n’est pas de mise, il faut même s’en prémunir et miser sur des brises soleil. Les appartements traversants sont préférables, et la prise au vent doit être murement étudiée lorsqu’on construit un bâtiment. Ça souffle fort à Marseille ! Si la ville enregistre 300 jours de soleil par an, elle rencontre des épisodes cévenols qui vont devenir récurrents dans les années à venir. Et je vous assure, ce n’est pas le crachin londonien… Partant de ces contraintes, nous avons mis au point un projet ingénieux qui va rendre constructible une partie d’Euroméditerranée, classée en zone inondable. Pour ce faire, nous allons racheter une ancienne gare sous laquelle était encoffré un ruisseau. Cette technique n’a jamais empêché le quartier d’être noyé. Ce ruisseau va renaitre et couler au cœur d’un parc de 20 hectares. Au-delà de contribuer à la qualité de vie et de rafraichir les abords, il va servir d’éponge et filtrer l’eau en quantité. Ce retour d’expérience nous vient de Singapour où nous nous sommes rendus. Vous l’aurez compris, Euroméditerranée est un quartier qui évolue en harmonie avec la nature et ses habitants… Nous sommes aussi très fiers d’avoir conçu la ville du quart d’heure, que dis-je…. la ville des 5 minutes, par la mixité des usages au sein du périmètre ! Ce n’est pas une utopie, la qualité de vie est reine…

Véritable laboratoire à ciel ouvert, Smartseille fait office de première de la classe avec son approche singulière tournée vers l’utilisateur mais surtout l’écologie. Quelles sont les initiatives mises en place ?

Elles sont nombreuses, mais j’aimerais évoquer la géothermie marine qui fait des miracles. En quelques mots, c’est une boucle dans laquelle on envoie l’eau des systèmes de chauffage et de climatisation à une certaine profondeur en mer. Celle-ci va permettre de refroidir ou chauffer l’eau selon les besoins. Ce procédé permet une économie énergétique certaine et un faible niveau de charge. Il est aussi question de solidarité énergétique puisque la chaleur produite par la climatisation des bureaux chauffe l’eau des logements ! Qui dit innovations écologiques, dit aussi innovations sociales, notamment avec la création d’une conciergerie de quartier et d’une association gérée par les habitants et dont le promoteur est partie prenante. Elles visent à créer des interactions intergénérationnelles mais également entre les habitants et les employés de bureau. En somme, l’idée d’une vraie communauté. Smartseille 1 est une réussite et nous avons hâte de voir Smartseille 2, sortir de terre à l’horizon 2028.

Plus qu’un simple quartier, Euroméditerranée participe et célèbre l’innovation comme le prouve son concours MED’INNOVOANT qui se tient chaque année…

 Ce concours s’inscrit dans une recherche permanente de solutions innovantes pour célébrer la ville méditerranéenne du futur. Chaque année, nos partenaires, tels que Saint Gobain, Eiffage et bien d’autres, proposent des défis à des jeunes pousses autour de thématiques bien précises. Cette édition 2022 fait la part belle à l’économie circulaire mais aussi la géothermie marine, dans le cadre d’un futur raccordement. Les lauréats bénéficient d’un accompagnement et d’une dotation de 10.000 euros. Le vainqueur se voit intégré à notre écosystème. A noter que nous déployons également ce concours sur le continent africain qui bouillonne d’idées !

Bien au-delà des frontières marseillaises, Euroméditerranée est un acteur engagé à l’international. Il vient d’ailleurs de signer un partenariat avec ONU-Habitat. Qu’en est-il exactement ?

Conscient que d’ici trois décennies le développement urbain se jouera essentiellement dans les pays du sud, nous nous sommes associés pour le développement des villes durables en Afrique subsaharienne. Pour pallier le boom démographique, le continent va devoir faire face à de nombreux enjeux en matière d’habitat et de services urbains. Mais trop souvent, les modèles de smart city ne sont pas adaptés à leurs écosystèmes. Nous souhaitons donc mettre notre expertise opérationnelle aux services de ces métropoles porteuses de projets. Nous allons, dans un premier temps, identifier les besoins d’aménagement puis accompagner les autorités locales en tant que pilote de projet AMO.

Parlons maintenant bureau…Comment caractériser le paysage de l’immobilier d’entreprise sur le secteur ?

Sur les 310 hectares qui constituent la première phase d’Euroméditerranée, il y a essentiellement des bureaux neufs. Avant 2003, seuls deux immeubles de bureaux existaient sur le périmètre et quelques immeubles de logements haussmanniens réhabilités et transformés en bureaux. C’était minime ! Sur ce secteur, le taux de vacances avoisine les 2,5% dans le neuf. Aujourd’hui au stade de projet, Euroméditerranée 2 promet des immeubles dernière génération respectueux de l’environnement et des usagers, en s’intégrant de manière solidaire au quartier. Des start-ups, aux grands groupes parapublics et publics, en passant par des multinationales comme la CMA-CGM, nous comptons plus de 5300 entreprises de services. Elles ont réussi à se faire une place de renom et à se développer sans avoir leur siège dans une capitale ! 

Dans quelle mesure Euroméditerranée vit-il avec son temps, notamment avec l’avènement des nouveaux modes de travail ?

Euroméditerranée est un lieu où il fait bon travailler. A contrario des autres quartiers d’affaires, il n’est pas déserté par des travailleurs devenus « télétravailleurs ». Son hyper-accessibilité, la présence de nombreux services et sa proximité avec la mer rendent les bureaux qui s’y trouvent plus attractifs que le domicile. Il suffit de constater la fréquentation des terrasses et salles de restaurant entre midi et deux pour s’en convaincre. 

Grace à la géothermie marine, nous investissons à nouveau les toits comme le veut la tradition méditerranéenne. Fini les blocs de climatisation et autres objets dénaturant le paysage, les toitures prennent des airs de canopée pouvant accueillir les employés désireux de travailler au grand air.

Parce que nous sommes convaincus que l’heure de la déconcentration a sonné, les entreprises auraient tout à gagner à proposer des bureaux là ou leurs employés ont envie d’habiter. Beaucoup de parisiens se sont d’ailleurs installés chez nous depuis le début de la crise sanitaire. Nous tentons de convaincre leurs entreprises d’installer des bureaux à Marseille pour leur offrir un cadre de travail pertinent. Cette approche n’est pas forcément une réponse aux nouveaux modes de travail mais exploite l’existant pour permettre un meilleur équilibre vie professionnelle et personnelle. Nous mobilisons tous les acteurs du développement économique de la région en ce sens !

Euroméditerranée 2 est en plein chantier et entend notamment faire la part belle à l’économie numérique. Quelles sont ses ambitions ?

Nous avons les arguments pour attirer à nous un vivier d’entreprises du numérique grâce à l’hyperconnectivité du secteur et l’ouverture de centres de formation. Aujourd’hui au nombre de 14, les câbles sous-marins qui relient le reste du monde vont passer à 20 demain, ce qui fait de nous le 5eme hub mondial en termes d’échange de contenus numériques et télécoms. On peut citer par exemple Interxion qui déploie sur la métropole 4 data centers au profit de 130 opérateurs, et ce dans une quarantaine de pays ! Sur la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, nous ne recensons pas moins de 50.000 emplois du secteur numérique qui œuvrent, par exemple, dans la data, la cyber sécurité et la smart city. Nous allons aussi renforcer notre offre de formation pour répondre aux besoins d’embauche. La Plateforme, campus du numérique de 25.000 m², verra le jour sur le principe de l’alternance étudiante. En sus, un second campus numérique « Theodora » et 5 écoles du groupe IONIS vont prochainement s’implanter sur le territoire.

 A quoi ressemble votre bureau ?

C’est un bureau typique de Euroméditerranée. A une minute de la mer et entouré de restaurants et commerces. L’environnement est vivant et les terrasses sont bondées ! Je travaille au sein d’un espace partagé super bien fréquenté (rires). Vous savez, à Marseille, le télétravail n’est pas monnaie courante à contrario de la capitale ou d’autres régions. Le taux d’occupation est en effet beaucoup plus important. Ici, les entreprises sont peu nombreuses à vouloir diminuer leurs surfaces.

Crédits Photo: Camille Moirenc