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Advisory • Concept • Project • Bureau opéré

Aktis Partners a donné la parole à Laetitia Bô

C’est au cœur de l’hôtel Hidden, aux allures de chalet cosy, qu’ Aktis Partners a rencontré Laetitia Bô. Ambiance chaleureuse garantie, nous avons évoqué l’application Third Place dont elle est la cofondatrice mais aussi échangé sur le monde de l’immobilier et de l’entreprise. « Quand hôtellerie rime avec télétravail, notre quotidien est réenchanté… »  Zoom !

Avocate de formation, vous avez fondé le cabinet Urban Act dédié à la transition urbaine. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Au sein d’Urban Act, j’ai eu l’occasion de travailler pour des grands acteurs du coliving et du coworking, à l’époque où ces concepts n’étaient pas encore très démocratisés. Cette expérience m’a donnée goût aux réflexions sur les nouveaux usages, à savoir comment utiliser l’existant et le réinventer. Comme beaucoup, les confinements m’ont permis de faire un point sur ma vie professionnelle et j’ai sauté le pas pour m’installer à mon compte en créant Urban Act. Mes associées et moi sommes passionnées par la transition urbaine, nous conseillons les acteurs traditionnels mais également ceux de la proptech qui innovent. C’est très enrichissant car ces derniers favorisent le multi usages et l’optimisation des lieux, ce qui nécessite un accompagnement spécifique en raison d’outils juridiques pas toujours adaptés.

Vous avez récemment mis sur pieds l’application « Third Place ». A quels besoins répond-elle ?

Ce n’est pas un scoop, les villes ne sont pas extensibles et l’immobilier a plus que jamais un coût. Partant de ce postulat, j’ai développé Third Place, une application qui permet de télétravailler dans les hôtels. Notre ambition est de mettre un peu de fantaisie dans le quotidien des télétravailleurs, tout en offrant un complément de revenus aux hôteliers. J’avais songé au départ aux restaurants mais ai rapidement changé de typologie de lieu. Souvent bruyants et contraints par plusieurs services, ils ne peuvent offrir le calme et la quiétude d’un hôtel en journée. Ayant habité plusieurs années au Vietnam, j’avais remarqué que les hôtels étaient des véritables lieux de vie. On s’y retrouve, on y travaille, on prend ses rendez-vous, on y passe du bon temps, et cela dans un cadre aux standards internationaux. En somme, le QG d’une communauté d’expatriés ! Force est de constater que les hôtels en Occident sont souvent déserts en journée, pourquoi ne pas rentabiliser ces espaces par une offre de coworking ? La plupart des établissements que j’ai prospecté ont en effet été séduits. Point de frais mais des revenus en sus pouvant aller jusqu’à 1500 euros par mois. A l’heure où le télétravail hybride a le vent en poupe, Third Place permet aux employés lassés de travailler chez eux de vivre une expérience attrayante et de changer d’air, le temps d’une matinée ou la journée. La quinzaine d’établissements recensés dans l’application sont joliment décorés et la qualité du service n’est pas en reste. Les réservations sont simples et flexibles : pour un coût d’environ 15 euros, moins onéreux qu’un coworking, vous bénéficiez d’un espace de travail adapté, d’une collation ou d’un superbe petit déjeuner pour commencer la journée du bon pied. Une parenthèse propice à l’inspiration. Pour pousser l’expérience encore plus loin, certains établissements proposent même l’accès au SPA, à la salle de sport et à la piscine. Le client est roi !

Bureau et « hospitality », les frontières s’affinent… Comment donc assurer le match parfait ?

Ce qui va faire la différence entre deux lieux est indéniablement la qualité du service, aujourd’hui la plus grande des valeurs ajoutées. La question centrale est la prise en charge de ce coût par l’entreprise : si vous bouclez un dossier tard dans la nuit, il m’apparait logique de déposer une note de frais. Quel salarié voudrait « payer pour travailler » ? Avec Third Place, nous nous nous adressons aux freelance mais aussi aux salariés des entreprises qui ont diminué leurs surfaces avec l’instauration du travail hybride. Autrefois un avantage, le télétravail s’est mué en norme, parfois même obligatoire dans certains cas. Bien que cette approche soit idyllique sur le papier, certains télétravailleurs ne sont pas logés à la même enseigne et peinent à produire dans un cadre propice à la maison. Dans cette logique de réduction de mètres carrés, les entreprises réalisent des économies et il est de bon augure qu’elles offrent un petit coup de pouce à leurs salariés pour s’équiper chez eux, ou se rendre dans un tiers lieu. D’autant plus si elles ne peuvent accueillir toute la masse salariale avec le flex office. Pour clore la question, je regrette que la proposition de loi sur le chèque télétravail soit aujourdhui en stand-by. Affaire à suivre !

Au regard de ces nouvelles façons de travailler et de vivre, pensez-vous que la loi puisse s’adapter pour coller à la réalité ?

J’estime que le bail commercial, créé pour protéger les fonds de commerce, n’a jamais été adapté au bureau. De nos jours, les entreprises ont besoin de souplesse et moins d’engagement à long terme.  Quelle organisation a une visibilité précise sur son avenir et l’adoption des locaux par ses salariés ? Comment appréhender l’évolution de son business lorsqu’on est une jeune pousse ? Tant de questions qui complexifient la stratégie immobilière qui peut représenter un poste de dépense important. Il n’y a pas de doute, le modèle de demain est celui qui fera la part belle à la flexibilité et au sur mesure. Une approche qui offre la possibilité de changer de locaux plus simplement pour ajuster la taille de son immobilier à celle de ses équipes, tout en maitrisant les coûts. Les entreprises sont prêtes à payer plus pour se soulager de l’intendance, tout en bénéficiant d’une offre de service évolutive. Co working ou bureau opéré, ce sont en réalité des détournements par la pratique du statut des baux commerciaux.

On parle beaucoup de proptech dans l’immobilier, un domaine réputé conservateur. Qu’est-ce que ce terme recouvre exactement ?

L’immobilier a toujours été une valeur rassurante et tangible pour le propriétaire. C’est un secteur qui, jusqu’à l’émergence de ces nouveaux acteurs, évoluait lentement. Le terme « proptech » regroupe à la fois des sociétés innovantes par leur proposition de nouveaux usages, et des sociétés « tech » déployant des outils de gestion et de performance sous la forme de logiciel. Pour les premières, nous pouvons citer par exemple les concepts de coliving, le coworking et le comeeting. Beaucoup de « co » dans une idée de partage ! Enfin, les sociétés purement « tech » viennent apporter de l’efficience, un gain de temps et parfois des modèles disruptifs à l’image de Matera qui réinvente la notion de syndic. Je ne vois pas de grands obstacles quant au développement de nouveaux concepts, mise à part la rigidité du droit de l’urbanisme sur la destination des bâtiments. Aujourdhui, l’hybridation est reine et il va nous falloir beaucoup de souplesse pour pouvoir jouer sur les usages.

Dans quelle mesure l’environnement de travail peut-il participer activement et de manière innovante à l’écosystème d’un quartier ?

Une chose est sure, les salariés présents sur site vont davantage être amenés à consommer dans le quartier que ceux en télétravail. Mais je pense évidemment au corpoworking qui consiste à ouvrir ses espaces de travail aux personnes extérieures à la société, comme les indépendants, les clients ou prestataires. En somme, un écosystème dynamique autour d’une communauté si la magie opère. Encore timide dans l’hexagone, je doute que cette tendance se généralise pour des raisons de confidentialité inhérentes à la plupart des professions. De plus, la question de la sécurité peut vite tourner au casse-tête : toute entreprise digne de ce nom souhaite en effet savoir qui va et vient dans ses locaux.

Travailler non loin chez soi, dans l’hôtel au bout de sa rue, n’est pas sans rappeler le concept de la ville du quart d’heure… Simple théorie ou réalité ?

Ce concept a du sens mais je nuancerais mes propos. La ville du quart d’heure en termes d’accessibilité oui, moins en tant que dogme, surtout si elle est subie. C’est en effet très pratique d’avoir tout à portée de main, mais je trouve dommage d’être cloisonné à un quartier parce qu’on n’a pas le choix pour des raisons de difficultés de déplacement. Je trouve aussi triste d’habiter dans le même quartier que son bureau. A moins d’aimer vivre dans un microcosme !

Selon vous, digitalisation et durabilité peuvent-ils aller de pair ?

Pour les moins avertis, digital rime avec « impalpable », « dans l’air », or derrière nos applications, sites et téléphones, se cachent de gigantesques data centers énergivores et gourmands en eau. C’est un problème sur lequel nous allons devoir nous pencher dans les années à venir. Pour en revenir à Third Place, nous utilisons l’existant, c’est la définition même d’un cercle vertueux, qui plus est gagnant-gagnant pour les parties prenantes.

A quoi ressemble votre bureau ?

J’ai des supers bureaux mais j’avoue ne pas y être très souvent. J’aime être mobile, libre et travailler partout. Vous savez, tout le monde n’est pas fan de l’« ambiance bureau » et son petit folklore qu’est la « machine à café ». L’entreprise regorge de codes et les discussions peuvent parfois être limitées. Si certains sont très attachés aux relations sociales au bureau, d’autres s’épanouissent en dehors.