00%
Advisory • Concept • Project • Bureau opéré

Zoom sur la semaine de 4 jours

Le traditionnel rythme de travail « lundi-vendredi » serait-il en train de voler en éclat ? Sans présager de quoi que ce soit, la semaine de 4 jours commence à faire son chemin et les débats vont bon train. Dans un monde en pleine transition où le sens au travail est repensé, cette petite musique de fond est désormais audible, voire hardiment assumée par certaines organisations qui jouent les pionnières. Aktis Partners s’est penché sur la question.

Un petit état des lieux s’impose…

Quelle que soit la place que le travail occupe dans nos esprits, sa part réelle dans notre existence a drastiquement reculé avec le temps. Si nous lui consacrions 70% sous la IIIe République (hors période de sommeil), puis 40% au début de siècle, ce chiffre avoisine les 17% au XXI siècle, selon une étude de l’institut Sapiens. Entre l’allongement des études et les différentes lois sur la réduction de travail, la durée a notamment baissé de 350 heures, des années 70 jusqu’à nos jours. Bien que parlant, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes, notamment avec l’accroissement de l’espérance de vie (+14 ans depuis 1945) et les sacro saintes 35h, pas toujours respectées. Selon l’Insee seuls 28% des employés à temps plein auraient travaillé 35 h en 2018.

Et dans les faits ?

« Travailler moins pour travailler mieux », tel est le credo de la semaine de 4 jours, plébiscitée par 64% des français selon un sondage France Info. Ce modèle fait couler beaucoup d’encre mais à quoi correspond -il ?

L’idée est de maintenir le même nombre d’heures hebdomadaires, mais repartis sur 4 jours, soit 35 ou 39h selon les secteurs d’activité. L’amplitude horaire est donc plus élevée mais les employés bénéficient d’un jour de repos supplémentaire, sans rogner sur leur rémunération. Mais certaines entreprises vont plus loin avec à clé une baisse du temps de travail.

Travailler moins permet en toute logique de jouir d’un meilleur équilibre de vie personnelle et professionnelle, qui se ressent positivement sur les performances de l’entreprise. Le concept qui sent bon la « qualité sur la quantité » exige une rigueur à toute épreuve dans la mesure où la hiérarchisation des taches prime, elle doit se faire vite et de manière intelligente. Point de temps morts ni de procrastination, ce modèle va souvent de pair avec des outils à même de rationaliser et d’automatiser certaines tâches pour être plus efficace. Selon une étude menée par Lawless Research, les cadres des grandes entreprises consacreraient 30% de leur journée à de l’administratif, et près d’un tiers à des réunions. Une pratique non seulement excessive, mais onéreuse, puisqu’elle représenterait un gaspillage de 25 000 dollars par an et par employé, soit plus de 100 millions de dollars pour les entreprises de plus de 5000 salariés. (Enquête menée par Steven Rogerlberg, chercheur en sciences organisationnelles sur 632 employés de secteurs divers.)

L’Anatomy of Work Index 2021, publié par Asana, un outil professionnel de gestion des tâches et événements, qui a sondé 13 000 salariés à travers le monde (dont 2 000 en France) nous donne également des indications : le temps « perdu » au travail serait de l’ordre d’environ une journée par semaine. Tabler sur un rythme de 4 jours serait alors pertinent : moins de temps pour se distraire et aller à l’essentiel. La gestion du temps globale et individuelle est au cœur du dispositif !

Les choses bougent…

Fort de ce constat, les expériences se multiplient dans les entreprises européennes. Depuis octobre dernier, les Belges du secteur privé et du public peuvent, sur la base du volontariat, choisir la semaine de 4 jours. Mise en place sur une durée de 6 mois renouvelables et sous accord de l’employeur, cette réforme prévoit aussi d’arranger les parents en garde alternée grâce à un système de compensation d’une semaine sur l’autre. Une flexibilité bien pensée. En Italie, la banque Intesa Sanpaolo a fait les gros titres : le plus gros employeur privé du pays qui compte plus de 74 000 salariés vient de proposer la semaine de 4 jours. Le gouvernement espagnol a quant à lui déployé un programme pilote sur 2 ans qui va accompagner les PME à réduire le temps de travail de leurs salariés. Elles seront bientôt 200 à tester la semaine de 4 jours, mais surtout à passer de 40h à 32 h, sans perte de salaire, une décision coup de poing !

Mais nos chers pays latins ne sont pas les seuls à s’intéresser de près à cette nouvelle organisation. Au Royaume-Uni, 61 entreprises, soit 29000 personnes concernées, ont participé à ce test grandeur nature jamais réalisé dans le monde. Sur 6 mois, petites et grandes entreprises, (de 25 à 1000 collaborateurs) et de secteurs éclectiques (finances, cabinet de conseil, restauration, restauration automobile, nouvelles technologies) ont joué le jeu. Le concept se résume en une formule : 100-80-100. Les collaborateurs reçoivent 100% de leur salaire pour 80% de leur temps de travail, le tout en assurant 100% de leurs tâches, à contrario de l’exemple belge où les journées sont à rallonge. Toutes avaient la liberté d’adapter la réduction du temps de travail à leurs contraintes métiers : certaines ont choisi de donner à leurs salariés un jour de congé le vendredi soit le lundi. Organisée sous l’égide de 4 Day Week Global en partenariat avec le think tank Autonomy, et menée par des chercheurs, cette étude est sans appel. Présentée devant le Parlement la semaine dernière, il s’avère que 56 entreprises sur 61 souhaitent s’engager sur cette voie et les chiffres sont parlants : un taux de burn-out en baisse de 71%, un turn over réduit de 57%, une baisse de 65% du nombre de jours d’arrêt maladie, des niveaux de fatigue et de stress bien amoindris. Et cerise sur le gâteau : les bénéfices des entreprises ont légèrement augmenté, de 1,4%.

Aux Pays-Bas, la flexibilité est reine et manager son emploi du temps n’est pas une utopie. Adeptes du temps partiel (30h), ils seraient plus de la moitié (50,8%) à s’octroyer davantage de temps libre, contre moins de 20% en France, et ce quel que soit le niveau de hiérarchie dans l’entreprise. Mieux : les salariés hollandais peuvent depuis 2000 adapter leur plages horaires au regard de leurs besoins : concentrer un temps plein (38h) sur 4 ou 5 jours. Cette liberté a du bon, puisque le pays trône en 8e position des nations les plus productives (Etude Expert Market 2017)

Au pays du soleil levant, réputé pour ses horaires « écrasants », la semaine de 4 jours est aujourd'hui sur la table. Cette situation, jadis imaginable, est encouragée par le gouvernement pour faire face à l’épidémie de burn out et au taux de natalité inquiétant. Outre d’offrir un meilleur équilibre de vie personnelle et professionnelle à ses concitoyens, le Japon entend booster sa productivité qui plafonne depuis 5 décennies à la dernière place des pays du G7, et ce malgré une implication sans faille au travail. Cette réforme a été entendue et certaines entreprises n’ont pas hésité à franchir le pas : c’est le cas par exemple de Panasonic, NEC, Microsoft, et Hitachi qui autorisent leurs collaborateurs à instaurer des horaires flexibles pour ne travailler que 4 jours. Seul 6,9% des entreprises comptant plus de 30 salariés ont osé innover en allant en ce sens. Selon les données de Microsoft, la productivité aurait fait un bond de 40%.

Et la France dans tout ça ?

En cette période post covid chahutée par la réforme des retraites, les débats sur la semaine de 4 jours semblent s’immiscer (timidement) dans la sphère publique. Après le télétravail autrefois tabou, puis érigé en norme, va-t-on franchir un cap supplémentaire ? Lancée à l’initiative du ministre des Comptes publiques, l’URSAAF Picardie expérimente aujourd'hui la semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail. Cette initiative fait suite aux réflexions du Conseil national de la refondation (CNR) qui pourront prendre la forme de "dispositions législatives, de négociations ou de concertations, de travaux d'évaluation, mais aussi de guides de bonnes pratiques". "

Petit tour d’horizon des pionnières « blanc bleu rouge » …

Testé puis approuvé, ce nouveau rythme de travail s’est révélé convaincant, tant sur le plan financier que sur celui du bien être des équipes. Une productivité intacte, voire renforcée !

-      Elmy : 32 h/semaine sur 4 jours, payés 39 heures. (2022)

-      IT Partner : 32 h à 35 h/semaine sur 4 jours (2021)

-      Yprema : 35 heures/semaine sur 4 jours. Possibilité de choisir soi-même son jour de congé supplémentaire. (1996)

-      LDLC : 32 heures/semaine sur 4 jours. (2021)

-      Radioshop : 32 heures/semaine sur 4 jours, payées à temps plein. (2021)

-      Welcome to the Jungle : Après 5 mois de test en 2019, l’entreprise a adopté la semaine de 4 jours. Bonus : -20% de temps de travail hebdomadaire en moins avec un salaire inchangé.

-      Love Radius : formule hybride de la semaine de 4 jours, de mai à août, sans baisse de salaire. (2019)

- Systemes B : 28 heures payées 35, réparties librement dans la semaine

Avoir plus de temps pour sa famille, s’adonner à un loisir ou tout simplement gérer les impératifs et autres corvées quotidiennes, la semaine de 4 jours a tout pour plaire. Adieu le sprint du weekend qui passe à la vitesse de l’éclair, le temps retrouvé est précieux. Initiée par le député Pierre Larrouturou, à l’aube des années 90, ce modèle avait également convaincu l’ancien PDG de Danone, Antoine Riboud, qui y voyait une véritable opportunité pour créer de l’emploi. Si près de 70% des employés se disent favorables à cette organisation, ce n’est pas le même son de cloche du côté des RH qui s’inquiètent parfois du revers de la médaille. Outre le possible surmenage si la durée de travail reste inchangée, certains pointent du doigt la fin « des temps morts », ces instants de convivialité fédérateurs autour de la machine à café. Encore embryonnaire dans l’hexagone, la semaine de 4 jours constitue une réponse à certains défis sociaux et économiques d’aujourdhui et de demain…

Et vous, qu’en pensez-vous ? Mais avant tout, quelles sont les bonnes questions à se poser pour avoir un avis ? Nous sommes curieux !