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Depuis la nuit des temps, l’histoire nous a enseigné que du chaos naissait irrémédiablement des changements. Guerres, catastrophes naturelles, révolutions, nous allons toujours dans le sens d’une remise en question. Et la crise sanitaire ne fait pas fait exception… mieux, elle a permis de se réinventer et repenser le monde de l’entreprise et ses stratégies. Le bureau poursuit aujourd’hui sa mue pour s’adapter aux nouveaux impératifs. Menons une petite rétrospective avant de songer aux grandes lignes de demain…
Un vent d’autonomie et de bien-être souffle sur l’entreprise…
Si l’année 2021 a été placée sous le signe de la (re)construction plus en maturité des stratégies immobilières et managériales, 2022 sera celle du déploiement de nouvelles expériences. Le but ? Offrir à chacun un cadre de travail plus souple pour ainsi maximiser le bien-être et jouer sur la productivité. Certaines entreprises sont déjà nombreuses à embrasser ces nouveaux codes en permettant à leurs collaborateurs de télétravailleur avec des outils adaptés et parfois meme dans des espaces de co-working. Pour booster leur marque employeur et faire face à la concurrence dans la pêche aux meilleurs profils, l’autonomie et la confiance sont devenues des approches incontournables. En 2022, le cadre légal pourrait également favoriser cette tendance puisqu’un projet de loi est aujourd’hui à l’étude. Baptisée « forfait télétravail », une allocation forfaitaire de 600 euros maximum sera versée aux salariés pour couvrir leurs dépenses liées au « travail dématérialisé ». Qu’il s’agisse d’acheter du mobilier adéquat ou se rendre dans un tiers-lieu, cette solution de paiement serait exonérée de cotisations et de contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Affaire à suivre…
Les aménagements de travail au cœur du processus
Un zeste en télétravail, une pincée de lieux alternatifs, un soupçon au siège, tel est le cocktail que propose aujourd’hui les entreprises. En somme, un modèle hybride et une décentralisation qui répond aux mentalités et exigences actuelles. Une organisation non plus figée, mais basée sur des environnements dynamiques et satellisés qui cassent les codes du bureau traditionnel.
Si la rupture avec le principe d’un lieu de travail unique semble entamée, le bureau est contraint de se démarquer. Sa singularité pourrait résider par exemple dans un emplacement bien desservi, ainsi qu’un aménagement intelligent des espaces. Plus que de simples exécutants, les salariés sont perçus comme des consommateurs souhaitant vivre une expérience particulière, attrayante et conviviale une fois arrivé au bureau, il devient alors urgent pour les entreprises d’optimiser leurs espaces. Réputés pour leurs espaces chaleureux, les co-working insufflent leur philosophie au monde de l’entreprise. Car ce n’est point un scoop : le beau génère de l’harmonie, stimule la créativité et détient un pouvoir qu’il ne faut pas sous-estimer. En bref, les locaux d’une entreprise doivent donner envie de s’y déployer et lorsqu’on se sent à son aise, le miracle se produit et « la machine tourne » dans la joie et la bonne humeur. Alternant zones dédiées à la concentration et espaces plus informels, il est de bon ton de concevoir des espaces à la croisée entre la vie personnelle et vie professionnelle. Si une course effrénée de réduction des mètres carrés est aujourd’hui engagée, il n’en reste pas moins que le bureau conservera toujours un rôle capital où rimera culture d’entreprise, convivialité et créativité.
Vers un esprit de communauté plus dense…
Espace « vivant » par essence, les espaces de coworking prennent vie grâce à la communauté qui l’habite et qui lui donne un sens, lui conférant une identité propre. En somme, un lieu qui fédère et réunit plusieurs acteurs portant leurs propres projets, mais animés par le désir de se rassembler pour travailler. A l’instar de la collocation, du covoiturage, ou encore de la vente de particulier à particulier qui ont plus que jamais le vent en poupe, le coworking puise son ADN dans une logique d’économie collaborative où le partage des biens, des espaces et des savoirs s’organise en réseau… Des valeurs fondamentales !
Lancé il y a quelques années à l’étranger, notamment sous l’impulsion du pionnier Vodaphone au Pays-bas, le principe (encore plus poussé) du corpoworking commence à faire son entrée sur le territoire français. Avec la démocratisation du télétravail qui a poussé les entreprises à revoir l’utilisation de leur locaux, ce concept a tout naturellement trouvé sa place. Contraction de Corporate et Coworking, il désigne la création d’une espace de coworking interne à l’entreprise où les équipes peuvent à leur guise y travailler, de manière plus dynamique et naturelle. A la seule différence que les personnes extérieures sont les bienvenues : indépendants, start-upper, salariés œuvrant dans le même domaine ou prestataires et même clients, ces espaces partagés flexibles et dynamiques ambitionnent de créer un nouvel écosystème ou chacun se nourrit de l’autre. Chaleureux, informels, stimulant… de la diversité naît la performance, principe même des coworking tant appréciés qui accueillent des profils aux horizons divers et variés. Décidées à casser les codes, certaines entreprises s’inspirent de cette philosophie, à l’instar la Villa Bonne Nouvelle de Orange, du projet Breizhlab en Bretagne ou plus récemment du pole RATP Real Estate qui a embrassé la voie du corpoworking. Bien au-delà de la simple rentabilité et optimisation des mètres carrés, le corpoworking s’avère être un laboratoire d’idées au service du volet RH. En brisant les process traditionnels, l’entreprise incite les équipes à s’extraire de leur routine et envisager leurs méthodes de travail sous un jour nouveau. Le corpo-working révolutionnerait donc la gestion des ressources humaines, en faisant de l’espace de travail une valeur-clé de l’entreprise…
Loin d’un coup de com’, l’intégration d’une communauté sera encore plus poussée dans les années à venir. Catalyseur de transformations par excellence, cette dernière fait bouger les lignes et certains ont bien compris l’intérêt de ces lieux ouverts sur l’extérieur. Qu’ils s’agissent de La Banque Postale avec sa Platform58, la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes avec B612, Free avec la Station F, le Crédit Agricole avec Le Village, ils misent sur l’accompagnement et le financement des jeunes pousses en les mélangeant avec leurs équipes internes. Ainsi, l’Atelier BNP Paribas épaule les futures stars de la data ou de l’IA dans l’incubateur, ainsi que les salariés férus d’intraprenariat dans le People’s Lab. Mais c’est aussi une manière d’apporter des réponses concrètes aux clients de la banque : chaque année, ils en débattent et des appels d’offre sont déployés pour que les starts up hébergées s’emparent du challenge.
Lorsque les relations entre les individus et les dynamiques sociales ne sont plus bornées au cadre strictement professionnel mais à la communauté, cela ouvre la réflexion sur les frontières de l’entreprise. Se cantonneront-elles exclusivement aux personnes soumises à un contrat de travail ?
Le metavers : un nouvel espace de travail ?
Boom des crypto monnaies, développement à vitesse grand V de la technologie blcokchain, un nouvel environnement est en train de poser ses jalons. Créer son bureau dans le metaverse ne semble plus une idée aussi folle qu’elle en a l’air !
C’est un fait avéré : la crise sanitaire a démocratisé le télé recrutement et le home office. Le métavers, univers immersif et virtuel, investi aujourd’hui par les entreprises promet de nouvelles expériences dans un monde du travail toujours plus décentralisé. Plébiscité par de nombreux employés, le télétravail permet une meilleure harmonisation de la vie professionnelle et personnelle, mais distend souvent les liens sociaux, socle de la culture d’entreprise. Le metavers apparait alors comme une opportunité de renforcer les liens, de donner cours aux discussions informelles sans avoir à se déplacer au bureau ou se fatiguer de longues heures sur Zoom. En somme, être chez soi et avoir un pied dans l’entreprise de manière plus vivante et attractive !
Meta, anciennement Facebook a d’ailleurs commencé à tester cette expérience de travail inédite auprès de ses salariés, équipés de lunettes interactives et dotés de l’application Worksroom. Pour continuer sur cette lancée, le géant des GAFAM a annoncé avoir récemment créé 10.000 postes pour encadrer et bâtir l’Internet de demain, où les frontières entre réel et virtuel s’effacent. Avec l’avènement du metavers, plusieurs métiers se profilent : d’une part, le « directeur de l’immersion » qui aura la charge de construire les futurs magasins au sein des quatre univers parallèles dédiés à l’achat et la vente de terrains immobiliers. Enfin, le « conteur de metavers » qui sera aux confins de la création immersive pour développer des scenarios de formations pour les utilisateurs et proposer un panel d’activités. Dans cette optique, le metavers va se mettre au service du volet RH et donner un second souffle à la « marque employeur » en la déployant dans le virtuel, à grand renfort d’évènements ponctuant la vie quotidienne classique d’un groupe.
Développée par Oculus Quest, la plateforme de travail collaborative Arthur appuie les entreprises dans la mise en place de bureaux virtuels. Adoptée par les Nations Unies, Nestlé, la Société Générale et bien d’autres, cette dernière offre aux entreprises une infinité d’immobilier virtuel pour reproduire un bureau physique tout en facilitant les séances de brand storming a grande échelle. Chacun peut avoir recours à un panel d’outils innovants et immersifs allant de l’organigramme en 3D, à des tableaux blancs, des moniteurs vidéo plus vrais que nature… tout en incarnant des avatars ultra réalistes. En 2021, les utilisateurs professionnels ont passé environ 1,6 million de minutes sur Arthur.
A la pointe de la technologie, Hyundai s’est essayée à la gestion du personnel et l’embauche, avec l’application de monde virtuel Zepeto pour l’intégration de nouveaux employés. De son côté, la société de conseil Accenture a vu les choses en grand et a ouvert un espace virtuel de plus de 10.000 collaborateurs qui ont participé à des sessions hautes en couleurs avec des lunettes de réalité augmentée dernier cri.
Mais est-ce alors la fin du télétravail comme on l’entend ?
« Au cours des deux à trois prochaines années, je prédis que la plupart des réunions virtuelles passeront des grilles d’imagerie des caméras 2D […] au métaverse, un espace 3D avec des avatars numériques », a déclaré Bill Gates, le créateur de Microsoft. Celui qui a quitté le conseil d’administration l’an passé travaille activement à la création d’un métavers orienté vers le domaine du travail. Exit salles de réunions physiques, ou visio éreintantes, ce nouveau Teams aux fonctionnalités virtuelles permettra aux équipes d’échanger et d’accéder à des outils collaboratifs, n’importe où dans le monde. En bref, des interactions moins figées qui vont booster l’implication et la productivité. Baptisée « Mesh for Teams », ce programme entend déployer des avatars nourris à l’intelligence artificielle. Sans avoir à allumer sa webcam, le logiciel sera à même de donner vie aux avatars grâce aux mouvements et expressions faciales des utilisateurs.
La réussite du métaverse comme extension de l’entreprise est inextricablement liée à la qualité de l’expérience pour les collaborateurs, chose qui pourrait accélérer ou ralentir la pratique. Et les défis sont quant à eux nombreux, et les craintes légitimes, comme la protection des données ou les droits de propriété. Produire de la valeur se fera demain dans un contexte d’écosystèmes pluriels, d’où la nécessité croissance d’appréhender intelligemment les espaces de travail. Le bon manager est celui qui saura jongler avec ces diverses énergies humaines au cœur du réel…et du virtuel !